Malaise dans la civilisation (1929) est un ouvrage de Sigmund Freud (1856-1939) dont l'objet principal est d'exposer le malaise interne au processus de civilisation. Ce processus se caractérise par la transformation des instincts (ou des pulsions) en aspirations socialement acceptables afin de permettre la vie en société. Cependant, il porte en lui-même les germes d'un malaise parce qu'il revient, en fait, à forcer les individus à renoncer à leurs instincts, ce qui les rend malheureux. Dans sa typologie des instincts, Freud en distingue deux fondamentaux : instinct érotique et instinct de mort. Il les qualifie aussi en utilisant le nom du dieu grec correspondant, respectivement Eros et Thanatos.
C'est de cet instinct de mort dont il est question dans le texte présenté ci-dessous, extrait de la fin du chapitre V, et plus précisément d'une notion qui en découle et qui est l'agressivité. Pour Freud, en effet, il est naïf de considérer comme le font les religions, que l'homme n'est qu'amour et paix. Autrui peut à tout moment devenir un objet sexuel ou servir à satisfaire un besoin d'agression. Il reprend ainsi à son compte la formule de Plaute selon laquelle l'homme est un loup pour l'homme (Homo homini lupus) et qui est à la racine de l'anthropologie de Hobbes. L'histoire fourmille d'exemples où les forces morales reculant, l'homme se livre aux plus exécrables atrocités (un peu en amont du texte, il fait référence notamment à l'invasion des Huns ou à la Première Guerre mondiale), ce qui démontre que le processus de civilisation n'est pas forcément progressif, mais peut connaître à tout moment, des moments régressifs. Il se caractérise donc par une extrême fragilité.