vendredi 4 mai 2018

"La civilisation doit tout mettre en œuvre pour limiter l'agressivité humaine"

Commentaire

Malaise dans la civilisation (1929) est un ouvrage de Sigmund Freud (1856-1939) dont l'objet principal est d'exposer le malaise interne au processus de civilisation. Ce processus se caractérise par la transformation des instincts (ou des pulsions) en aspirations socialement acceptables afin de permettre la vie en société. Cependant, il porte en lui-même les germes d'un malaise parce qu'il revient, en fait, à forcer les individus à renoncer à leurs instincts, ce qui les rend malheureux. Dans sa typologie des instincts, Freud en distingue deux fondamentaux : instinct érotique et instinct de mort. Il les qualifie aussi en utilisant le nom du dieu grec correspondant, respectivement Eros et Thanatos.  

C'est de cet instinct de mort dont il est question dans le texte présenté ci-dessous, extrait de la fin du chapitre V, et plus précisément d'une notion qui en découle et qui est l'agressivité. Pour Freud, en effet, il est naïf de considérer comme le font les religions, que l'homme n'est qu'amour et paix. Autrui peut à tout moment devenir un objet sexuel ou servir à satisfaire un besoin d'agression. Il reprend ainsi à son compte la formule de Plaute selon laquelle l'homme est un loup pour l'homme (Homo homini lupus) et qui est à la racine de l'anthropologie de Hobbes. L'histoire fourmille d'exemples où les forces morales reculant, l'homme se livre aux plus exécrables atrocités (un peu en amont du texte, il fait référence notamment à l'invasion des Huns ou à la Première Guerre mondiale), ce qui démontre que le processus de civilisation n'est pas forcément progressif, mais peut connaître à tout moment, des moments régressifs. Il se caractérise donc par une extrême fragilité.

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Le commandement de la Bible, "aime ton prochain comme toi-même" (Lévitique), est bien connu. Mais que signifie-t-il ? S'il prend la forme d'un commandement, n'est-ce pas parce que rien n'est moins naturel à l'homme ? C'est en tout cas ce que pense Freud : c'est justement parce qu'il existe en chaque homme "une tendance à l'agression", qu'un commandement éthique, revêtant la forme religieuse d'une croyance, exige de moi que j'aime mon prochain comme moi-même. Au fondement se trouve la nécessité pour la religion, qui est l'un des outils de la civilisation, de maîtriser notre "hostilité primaire". C'est contre cet instinct, qui complique grandement la vie en société, que s'est mis en place un processus de civilisation. Mieux : sans la civilisation, la vie en société serait menacée par la destruction, car même si l'intérêt commande la coopération, au fond les passions l'emportent toujours : "les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels". 

Contre la tendance naturelle à l'agression des hommes les uns envers les autres, la civilisation recourt à la règle morale : "la civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique". Dans les religions, l'amour joue un rôle très important. Il est encadré, sublimé, comme par exemple dans l'amour courtois, qui, au XIIe siècle, désignait une relation spéciale unissant un chevalier à sa dame, un amour platonique, sublimé, destiné justement à canaliser les passions et à limiter l'agressivité. L'idéal d'aimer son prochain comme soi-même constitue également un moyen de dompter la part agressive de la nature humaine.

Cependant, Freud demeure assez pessimiste sur la capacité de la civilisation et des règles morales qui en découlent, de contenir entièrement cette agressivité. En réalité, la civilisation réussit assez bien à contenir les manifestions agressives les plus brutales, mais elle reste inefficace contre les "manifestations plus prudentes et plus subtiles", ces petites frustrations du quotidien qui font que, plus on vieillit, et moins on a tendance à accorder naturellement sa confiance à ses semblables. Toute vie se confond donc avec cette tragique perte des illusions de la jeunesse, à la manière des espérances déçues du jeune Lucien de Rubempré dans Les illusions perdues de Balzac. Finalement, ne serait-ce pas ces petites frustrations accumulées qui constituent la plus grande menace pour la civilisation ?

Toutefois, il ne faut pas en faire grief au processus de civilisation lui-même. Freud assure qu'il s'agit là d'un moindre mal car "la lutte et la concurrence" sont deux éléments indispensables à la vie elle-même. Simplement, il invite à distinguer l'hostilité et la rivalité. L'hostilité conduit à se montrer agressif envers son prochain jusqu'à le détruire alors que la rivalité, qui est simplement la lutte et la concurrence pour s'affirmer par rapport aux autres, ne vise pas leur destruction. Le risque est que l'on justifie l'hostilité par la nécessité de la rivalité, ce qui peut conduire par exemple à identifier des boucs émissaires et à les rendre responsable de ses propres échecs. Cette désignation - Freud pense très certainement à l'antisémitisme assez développé à son époque - peut conduire l'être humain à commettre les pires atrocités. 

Texte

"Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain ; c'est elle qui impose à la civilisa­tion tant d'efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels

La civilisation doit tout mettre en œuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique. De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hom­mes à des identifications et à des relations d'amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive. 

Tous les efforts fournis en son nom par la civilisation n'ont guère abouti jusqu'à présent. Elle croit pouvoir prévenir les excès les plus grossiers de la force brutale en se réservant le droit d'en user elle-même envers les criminels, mais la loi ne peut atteindre les manifestations plus prudentes et plus subtiles de l'agressivité humaine. Chacun de nous en arrive à ne plus voir que des illusions dans les espérances mises pendant sa jeunesse en ses semblables, et comme telles à les abandonner ; chacun de nous peut éprouver combien la malveil­lance de son prochain lui rend la vie pénible et douloureuse. 

Mais il serait injuste de reprocher à la civilisation de vouloir exclure de l'activité humaine la lutte et la con­currence. Sans doute sont-elles indispensables, mais rivalité n'est pas nécessairement hostilité ; c'est simplement abuser de la première que d'en prendre prétexte pour justifier la seconde."

Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation (1929), Chapitre V, trad. de l'allemand par Ch. et J. Odier, PUF, 1981, p. 64-66.

2 commentaires:

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