Le Gorgias (387 av. J.-C.) ou Sur la rhétorique, est un dialogue de Platon (428-348 av. J.-C.) qui met en scène Socrate et l'un des plus grands sophistes de l'époque antique, Gorgias. Le dialogue s'ouvre sur une confrontation de Socrate avec un personnage fictif : Calliclès. Ce dernier commence par condamner les lois humaines qui défendent les faibles aux détriments des plus forts. Il part d'une conception de la nature où c'est le droit du plus fort qui l'emporte. Selon lui, les faibles se sont unis pour dominer les forts - ceux qui sont naturellement faits pour commander - et ont imposé un ordre moral qui prône la maîtrise des plaisirs.
Le texte ci-dessous se situe au début du dialogue. Après avoir dénoncé la prise de pouvoir des faibles sur les forts, Calliclès avance que la vertu ne consiste pas à réfréner ses passions contrairement aux valeurs que promeut la morale des faibles, mais à assouvir tous ses désirs, quels qu'ils soient et par tous les moyens. Pour lui, les hommes qui parviennent à se contenter de ce qu'ils ont ne sont pas plus heureux que ceux qui se laissent guider par leurs passions car ne plus rien désirer, c'est être comme mort. Socrate prend au sérieux cet argument et rétorque que le corps (sôma) est précisément un tombeau (sèma), la vertu consistant justement dans le contrôle des passions au moyen de la raison, et ce afin d'éviter que l'âme ne ressemble à une passoire empêchant tout contrôle. La mort du corps est symbolique car il s'agit surtout d'éviter que les plaisirs sans freins dégénèrent en violence.