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mercredi 6 avril 2016

"Le monopole de la violence physique légitime"

Commentaire

Le savant et le politique est un recueil composé de deux conférences prononcées par Max Weber en 1919 : "La vocation de savant" et "La vocation de potitique". Dans la première, Weber traite du rapport du savant aux valeurs et dans la seconde, de l'action politique, de son fonctionnement, de sa légitimation et donne une définition célèbre de l'Etat : "communauté humaine" qui détient "le monopole de la violence physique légitime". C'est de cette conférence qu'est issu le texte présenté ci-dessous.

Le sens de l'adjectif "politique" s'entend pour Max Weber à partir de la notion de groupement humain. L'Etat correspond à la direction ou à l'influence que l'on exerce sur cette direction du groupement humain. 

lundi 28 mars 2016

"Représente-toi des hommes dans une caverne"

Commentaire

Dans La République, un des premiers grands dialogues de la maturité, Platon élabore sa théorie des idées : les idées abstraites existent réellement et forment le modèle des choses sensibles qui ne sont que les ombres des formes idéales. C'est au Livre VII que l'on trouve le célèbre texte commenté ici de l'allégorie de la caverne. Cette théorie des idées sert d'arrière-fond théorique à ce récit initiatique de la libération d'un prisonnier auquel on fait comprendre que la réalité est ailleurs. 

Une allégorie est une histoire courte qui expose des éléments concrets de manière cohérente, mais où chaque élément dispose d'un rapport imagé avec un contenu de nature différente. Dans cette allégorie, Platon expose le cheminement initiatique de la connaissance philosophique : la dialectique, art de discuter pour chercher la vérité, est un moyen de s'élever du monde des apparences pour atteindre la connaissance intellectuelle. Il montre aussi que l'éducation est un processus délicat, nécessitant un certain temps, d'où la nécessité de réformer la politique au sein de la cité en fonction de cette donnée.

samedi 4 juillet 2009

Savoir et pouvoir chez Michel Foucault

La méthode de Foucault se caractérise de manière globale comme un déplacement par rapport à la méthode kantienne traditionnelle qui s'interroge d'abord sur la légitimité des modalités historiques du connaître, puis sur les rapports de pouvoir (ce qui correspond à établir dans un premier temps la phase critique, puis ensuite à s'interroger sur la dimension politique). Foucault propose d'envisager une procédure différente. A la place de prendre comme entrée le problème de la connaissance, il prend celui du pouvoir. Sa méthode consiste ainsi non pas à établir quelles sont les conditions de constitution et de légitimité de toute connaissance possible, mais à déterminer les connexions qui existent entre les mécanismes de coercition et l'élément de connaissance. Foucault cherche ainsi à déterminer, d'une part, ce qui fait que tel élément de savoir puisse prendre des effets de pouvoir une fois qu'il se trouve intégré au sein d'un système qui le qualifie comme vrai, probable, incertain ou faux ; et d'autre part, ce qui fait que tel procédé de pouvoir acquiert les justifications propres à un élément rationnel, calculé et techniquement efficace.

Le plus important dans la méthode foucaldienne est de ne pas commencer par opérer le partage de légitimité, de ne pas assigner le point de l'erreur et de l'illusion que l'on trouve dans la conception kantienne de la critique. A la place, Foucault propose d'utiliser deux mots : savoir et pouvoir. Le savoir concerne toutes les méthodes et les contenus qui sont considérés comme acceptable à un moment donné et dans un domaine défini. Le pouvoir recouvre les mécanismes particuliers qui sont reconnus comme permettant d'induire des comportements ou des discours. Ces deux termes n'ont pas pour fonction de désigner des entités ou des transcendantaux, mais d'opérer une neutralisation quant aux effets de légitimité et une mise en lumière de ce qui les rend, à une certaine époque, acceptables et acceptés.

Le rôle de ces deux termes est donc essentiellement méthodologique : ce ne sont pas des principes généraux de réalité, mais des moyens de sélectionner quel type d'élément est pertinent pour l'analyse. Le principal avantage de cette méthode est d'éviter de faire jouer d'entrée la perspective de légitimation comme le font les termes de connaissance ou de domination. Elle permet également à tout moment de l'analyse, de donner un contenu déterminé et précis : tel élément de savoir, tel élément de pouvoir.

Mais Foucault précise qu'il ne faut pas considérer le savoir et le pouvoir comme des réalités opératoires en elles-mêmes. C'est-à-dire que le passage par le savoir et le pouvoir sont des termes qui constituent une grille d'analyse de la réalité, mais en aucun cas la réalité elle-même. Selon la définition qu'il retient de ces termes, il n'est pas possible de les séparer : il n'y a pas d'un côté du savoir et de l'autre du pouvoir. Un élément de savoir pour être considéré comme tel, doit être conforme à un ensemble de règles et de contraintes caractéristiques (par exemple, tel type de discours à une époque donnée). Il doit également être doté d'effets de coercition ou d'incitation propres à ce qui est catégorisé comme scientifique, seulement rationnel ou de l'ordre de l'opinion. De même, un mécanisme de pouvoir, pour fonctionner, doit se déployer selon des procédures, des instruments, des moyens et des objectifs qui peuvent être validés dans des systèmes plus ou moins cohérents de savoir.

Le pouvoir et le savoir ne sont pas deux entités qui se répriment ou s'abusent l'une l'autre, mais « un nexus » permettant de saisir ce qui constitue l'acceptabilité d'un système, par exemple le système de la maladie mentale, de la pénalité, de la délinquance ou de la sexualité.

Une « analyse du nexus savoir-pouvoir » permet de ressaisir un ensemble dans sa positivité, c'est-à-dire d'accéder à la compréhension du passage de son observabilité empirique à son acceptabilité historique, à l'époque où il devient observable. Cette analyse permet de ressaisir cet ensemble à partir du fait même qu'il est accepté. Ce type de procédure doit parcourir le cycle de la positivité en allant du fait de l'acceptation au système de l'acceptabilité analysé à partir du jeu savoir-pouvoir. Il s'écarte donc du point de vue fondamental de la loi, et c'est cela que Foucault veut surtout éviter en passant à l'extérieur du souci de légitimation propre à la critique kantienne.

mercredi 24 juin 2009

Arendt et la crise de l’autorité

Selon Hannah Arendt (1906-1975), l'autorité est une forme d'obéissance qui ne requiert ni la persuasion, ni la contrainte. Si la persuasion présuppose une égalité mutuelle et se fait au moyen d'une argumentation, l'obéissance liée à la notion d'autorité opère selon un ordre hiérarchique, donc une inégalité et sans argumentation. En outre, l'utilisation de la contrainte au moyen de la force s'oppose à l'autorité, puisque dans une situation d'autorité, la légitimité et la justesse de la hiérarchie est reconnu par tout un chacun.

Dans son texte de 1958 intitulé « Qu'est-ce que l'autorité » (publié en français dans La crise de la culture), Arendt commence par faire le constat que « l'autorité a disparu du monde moderne » (p. 121). Selon elle, le développement du monde moderne est inséparable d'une crise de l'autorité toujours plus large et plus profonde. L'origine de cette crise est politique : elle réside dans la montée des totalitarismes traversée par le XXe siècle et qui a remis en cause toute forme d'autorité traditionnelle. Son extension est à présent si profonde qu'elle a atteint jusqu'à l'éducation, phase pourtant où l'autorité semble la plus évidente, puisqu'il s'agit d'habituer un nouveau venu à un monde qui lui est encore inconnu.

Le cœur de la thèse d'Arendt est que cette crise de l'autorité est liée à la disparition d'une forme d'autorité bien spécifique, celle qui est liée au passé. Le danger est de confondre la disparition des traditions, résultat du développement de la modernité, et l'oubli du passé, c'est-à-dire l'oubli de ce qui permet à l'homme d'avoir une certaine profondeur : sa capacité à construire et à préserver un monde qui soit vivable pour les générations futures.

L'autorité est une notion complexe qui est souvent amalgamée avec le totalitarisme. Ce moyen de justifier ou de disqualifier le recours à la violence (respect de l'autorité ou autoritarisme) conduit à une confusion dont le danger est de croire que finalement violence et autorité vont de paires. Or l'autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté et sans être contraint par la force.

Dans un texte plus tardif intitulé « Qu'est-ce que l'éducation » (publié également dans La crise de la culture), Arendt revient sur le problème de l'autorité dans l'éducation. Dans une salle de classe, l'autorité d'un professeur repose sur sa compétence, mais pas seulement, elle repose aussi à sa capacité à pouvoir répondre du monde dans lequel il introduit les nouveaux venus que sont les enfants. Il est un représentant des adultes qui montre aux enfants le monde. Si l'autorité est en crise dans le monde éducatif, c'est « que les adultes refusent d'assumer la responsabilité du monde dans lequel ils ont placés les enfants » (p. 244).

Historiquement, cette conception conservatrice de l'éducation est ce qui a servi de modèle pour penser la politique. L'idée de Arendt est de parvenir à sauvegarder le conservatisme de l'éducation (l'éducation a pour tâche d'entourer et de protéger, de conserver), tout en remettant en cause le bienfondé de l'analogie du rapport maître et élève avec celui du gouvernant et gouverné. Tout le problème de l'éducation est de protéger la nouveauté de l'enfant.

Le problème de la politique est différent, mais lié à la crise de l'autorité dans l'éducation. Le problème du politique est de répondre du monde. Or la crise de l'autorité dans le domaine politique signifie que la responsabilité de la marche du monde n'est plus assurée, et que par conséquent l'ordre n'est plus reconnu comme légitime. Pour résoudre ce problème, la solution préconisée par Arendt est de retrouver le sens historique du terme autorité, c'est-à-dire l'autorité en tant qu'elle est séparée du pouvoir politique. Le mot d'autorité vient du verbe latin augere qui signifie augmenter. L'autorité au contraire du pouvoir plonge ses racines dans le passé. Ce qu'elle augmente constamment, « c'est la fondation » (p. 160).

mercredi 27 février 2008

La "monopolitisation"

Un des points importants de l'analyse foucaldienne des mécanismes de pouvoir ne consiste pas à faire une théorie générale de ce qu’est le pouvoir. Son analyse, notamment dans Sécurité, Territoire, Population vise à comprendre les relations, les lieux, les effets et les procédés du pouvoir. Autrement dit, il est important pour Foucault de ne pas substantialiser le pouvoir : il est un ensemble de procédures et non pas une substance homogène (en ce sens seulement il est possible d’amorcer une théorie du pouvoir).
Dans Le Cahier Bleu, Wittgenstein met en garde les philosophes contre leur "soif de généralité" (Tel, p. 57). Les philosophes sont des assoiffés de généralité et ont tendance à mépriser les cas particuliers. Un piège en découle
en philosophie, celui du substantialisme. Il consiste à rechercher une substance derrière un substantif. Si l'on cherche une substance derrière le pouvoir, on peut avoir l'impression qu'il est homogène. On peut ainsi lui donner une valeur, souvent négative. Or les figures du pouvoir sont plurielles. Ces différentes formes de pouvoir Foucault les détecte notamment dans les savoirs et les modes de subjectivation.
Même si le pouvoir est multiple, en archipel, disséminé, on peut néanmoins soulever une objection. Certes, il faut se déprendre d'une vision marxiste qui analyse l'Etat comme un appareil idéologique au service d'une classe dominante et qui oppresserait par ce moyen une classe dominée. Les rapports de pouvoir sont plus complexes. Cependant, il semble qu'il se passe à certains moments de l'histoire des concentrations des rapports de pouvoir entre les mains d'un nombre de personnes réduit. Quand on voit des milliers de CRS débarquer dans une cité pour arrêter une trentaine de personnes, on a la manifestation d'un pouvoir monopolisateur : il parvient non seulement à concentrer de multiples forces mais en dégageant un surplus écrasant, un peu sur le mode du Léviathan. Lorsque les pouvoirs se rassemblent au sein d'un même endroit, on a bien une concentration des pouvoirs en un monopole. Il existera toujours des formes régionales de pouvoir, mais seul l'appareil qui peut s'offrir le luxe d'un surplus détient véritablement un pouvoir à dimension nationale.
Au cœur de ce débat sur les pouvoirs s'opposent deux points de vue : une vision nationale et une vision régionale, une vue centralisante et une vue reterritorialisante. Dans les deux processus ce qui s'affirme est une même volonté de rassembler les pouvoirs autour d'un monopole. C'est ce processus de rassemblement des pouvoirs que l'on peut appeler la "monopolitisation".