samedi 4 juillet 2009

Savoir et pouvoir chez Michel Foucault

La méthode de Foucault se caractérise de manière globale comme un déplacement par rapport à la méthode kantienne traditionnelle qui s'interroge d'abord sur la légitimité des modalités historiques du connaître, puis sur les rapports de pouvoir (ce qui correspond à établir dans un premier temps la phase critique, puis ensuite à s'interroger sur la dimension politique). Foucault propose d'envisager une procédure différente. A la place de prendre comme entrée le problème de la connaissance, il prend celui du pouvoir. Sa méthode consiste ainsi non pas à établir quelles sont les conditions de constitution et de légitimité de toute connaissance possible, mais à déterminer les connexions qui existent entre les mécanismes de coercition et l'élément de connaissance. Foucault cherche ainsi à déterminer, d'une part, ce qui fait que tel élément de savoir puisse prendre des effets de pouvoir une fois qu'il se trouve intégré au sein d'un système qui le qualifie comme vrai, probable, incertain ou faux ; et d'autre part, ce qui fait que tel procédé de pouvoir acquiert les justifications propres à un élément rationnel, calculé et techniquement efficace.

Le plus important dans la méthode foucaldienne est de ne pas commencer par opérer le partage de légitimité, de ne pas assigner le point de l'erreur et de l'illusion que l'on trouve dans la conception kantienne de la critique. A la place, Foucault propose d'utiliser deux mots : savoir et pouvoir. Le savoir concerne toutes les méthodes et les contenus qui sont considérés comme acceptable à un moment donné et dans un domaine défini. Le pouvoir recouvre les mécanismes particuliers qui sont reconnus comme permettant d'induire des comportements ou des discours. Ces deux termes n'ont pas pour fonction de désigner des entités ou des transcendantaux, mais d'opérer une neutralisation quant aux effets de légitimité et une mise en lumière de ce qui les rend, à une certaine époque, acceptables et acceptés.

Le rôle de ces deux termes est donc essentiellement méthodologique : ce ne sont pas des principes généraux de réalité, mais des moyens de sélectionner quel type d'élément est pertinent pour l'analyse. Le principal avantage de cette méthode est d'éviter de faire jouer d'entrée la perspective de légitimation comme le font les termes de connaissance ou de domination. Elle permet également à tout moment de l'analyse, de donner un contenu déterminé et précis : tel élément de savoir, tel élément de pouvoir.

Mais Foucault précise qu'il ne faut pas considérer le savoir et le pouvoir comme des réalités opératoires en elles-mêmes. C'est-à-dire que le passage par le savoir et le pouvoir sont des termes qui constituent une grille d'analyse de la réalité, mais en aucun cas la réalité elle-même. Selon la définition qu'il retient de ces termes, il n'est pas possible de les séparer : il n'y a pas d'un côté du savoir et de l'autre du pouvoir. Un élément de savoir pour être considéré comme tel, doit être conforme à un ensemble de règles et de contraintes caractéristiques (par exemple, tel type de discours à une époque donnée). Il doit également être doté d'effets de coercition ou d'incitation propres à ce qui est catégorisé comme scientifique, seulement rationnel ou de l'ordre de l'opinion. De même, un mécanisme de pouvoir, pour fonctionner, doit se déployer selon des procédures, des instruments, des moyens et des objectifs qui peuvent être validés dans des systèmes plus ou moins cohérents de savoir.

Le pouvoir et le savoir ne sont pas deux entités qui se répriment ou s'abusent l'une l'autre, mais « un nexus » permettant de saisir ce qui constitue l'acceptabilité d'un système, par exemple le système de la maladie mentale, de la pénalité, de la délinquance ou de la sexualité.

Une « analyse du nexus savoir-pouvoir » permet de ressaisir un ensemble dans sa positivité, c'est-à-dire d'accéder à la compréhension du passage de son observabilité empirique à son acceptabilité historique, à l'époque où il devient observable. Cette analyse permet de ressaisir cet ensemble à partir du fait même qu'il est accepté. Ce type de procédure doit parcourir le cycle de la positivité en allant du fait de l'acceptation au système de l'acceptabilité analysé à partir du jeu savoir-pouvoir. Il s'écarte donc du point de vue fondamental de la loi, et c'est cela que Foucault veut surtout éviter en passant à l'extérieur du souci de légitimation propre à la critique kantienne.

3 commentaires:

  1. J'aime cette analyse. Mais qu'en est-il justement de l'analogie "procédures d'exclusion interne et externe"? Traduisent-elles cette analogie pouvoir/savoir?

    RépondreSupprimer
  2. Merci. Que voulez-vous dire ? Que le pouvoir serait à l'exclusion interne, ce que le savoir est à l'exclusion externe ?

    RépondreSupprimer
  3. Article très clair merci. Je voulais vous demander si vous pouviez éventuellement joindre une bibliographie détaillée concernant les modalités de ce "savoir-pouvoir" chez Foucault, c'est à dire les passages où Foucault analyse, à travers les différents motifs auxquels ils s'est intéressé la folie par exemple, la façon dont sont mises en place ces "nexus savoir-pouvoir". En fait je m'intéresse à l'aspect formel de la question, c'est à dire aux dispositifs formels en eux mêmes. Merci d'avance et merci encore pour ces contributions.

    RépondreSupprimer