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lundi 8 mai 2017

Cours - L'existence et le temps


Introduction

L'existence et le temps sont deux notions qui entretiennent un rapport de sens. L'existence désigne le fait d'être et le temps correspond au milieu dans lequel l'existence se déroule. Ce temps de l'existence est marqué par un début, la naissance, et une fin, la mort. L'existence se confond ainsi avec la vie elle-même. Elle interroge par voie de conséquence notre relation à la mort, qui peut être une source légitime d'inquiétudes et d'angoisses, voire engendrer de véritable crises "existentielles", c'est-à-dire une remise en cause de ce qu'on croyait être le sens de l'existence. 

Mais le temps peut aussi être appréhendé comme une notion indépendante de l'existence humaine. Il est alors ce temps divisé en heures, minutes, secondes, un temps chronométré et objectif qui règle nos vies (heure du lever, du coucher). Son écoulement est irréversible, les voyages dans le passé ou dans le futur, outre les difficultés logiques qu'ils posent (qu'advient-il du présent si l'on change le passé ?) semblent possibles seulement dans les films ou les romans. Le temps présente aussi une dimension insaisissable, le présent n'étant finalement jamais fixe, davantage à imaginer comme un écoulement permanent, nous n'aurions le choix que de vivre dans l'avenir ou dans le passé. 

dimanche 7 mai 2017

"L'existence n'est pas la nécessité"

Commentaire

Dans La Nausée (1938), Jean-Paul Sartre (1905-1980) raconte l'histoire d'un professeur de province de trente-cinq ans, Antoine Roquentin, qui vit seul à Bouville, cité imaginaire ressemblant au Havre où Sartre avait enseigné au début de sa carrière. Il travaille à l'écriture d'une thèse ayant pour sujet un certain marquis de Rollebon. En ramassant un galet au bord de la plage, Roquentin s'aperçoit que sa perception des objets a changé et il commence à tenir un journal, écrit à la première personne, constituant le texte du roman afin de comprendre l'origine de ce changement.

Le texte ci-dessous est relatif à l'expérience de l'existence faite par le héros et qu'il exprime comme une "Nausée". Si la nausée est communément définie comme une envie de vomir, elle renvoie étymologiquement à la sensation de malaise que ressent le marin sur un bateau qui tangue (nausea en latin désigne le "mal de mer" et le "navire" en grec se dit naus). Elle exprime également un sentiment de dégoût que l'on peut éprouver à l'égard de soi-même et des autres. Ces différentes acceptions se retrouvent dans l'expérience de la Nausée réalisée par le jeune doctorant. Elle désigne plus spécifiquement chez Sartre la compréhension par l'homme du caractère contingent de chaque chose : tout ce qui existe aurait pu ne pas être. En saisissant que rien n'est nécessaire, y compris son existence propre, le héros est pris d'une forme d'écoeurement face à une existence que plus rien ne justifie.

samedi 6 mai 2017

"La durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre"

Commentaire

L'Essai sur les données immédiates de la conscience (1889) constitue la thèse de doctorat du philosophe Henri Bergson (1859-1941). Son propos consiste à mettre en garde contre la tendance de l'esprit à penser dans l'espace. Or, si cette tendance est utile dans la vie pratique et dans les sciences, elle l'est moins lorsqu'il s'agit d'appréhender des phénomènes qui n'occupent pas d'espace comme par exemple les phénomènes psychiques. Nous appréhendons en effet l'espace extérieur en réalisant un découpage dans le réel : nous distinguons les objets matériels et nous leur assignons un nom précis. Mais est-ce que cette manière de voir est encore valable lorsque nous essayons d'appréhender une réalité immatérielle comme le temps ?

Le passage ci-dessous est extrait du chapitre II intitulé "De la multiplicité des états de conscience : l'idée de durée". Il constitue un passage clé au sens où il présente la définition du concept de durée. Bergson, en effet, critique la conception de l'école anglaise qui consiste à rabattre tous les rapports d'étendue à des rapports de succession dans la durée. C'est pourquoi il distingue deux types de durée : la durée où intervient la notion d'espace, comprise comme succession et la durée qu'il juge "toute pure", c'est-à-dire indépendante de la notion d'espace, comprise donc comme simultanéité.

mercredi 3 mai 2017

"Cette vie, il te faudra la vivre encore une fois"

Commentaire

Le Gai Savoir (1882) est une oeuvre de Friedrich Nietzsche (1844-1900) composée initialement de quatre livres auxquels Nietzsche a ajouté une Préface et un cinquième livre à l'occasion d'une seconde édition en 1887. Nietzsche se fait le défenseur d'une science libérée de toute croyance allant à l'encontre de la vie et affirme la possibilité d'un "gai savoir" au service de la vie. Il annonce "la mort de Dieu" (III, § 125) qui signifie la disparition de l'influence structurante de la religion chrétienne sur notre manière de penser. Il cherche à mettre en place de nouvelles valeurs et c'est dans cet optique que la doctrine de l'éternel retour va lui servir d'instrument.

Le texte ci-dessous constitue le paragraphe 341 (IV) du Gai Savoir consacré à cette doctrine de l'éternel retour. Dans le paragraphe qui précède (§ 340), Nietzsche revient sur les dernières paroles de Socrate avant sa mort : "Oh, Criton, je dois un coq à Asclépios" (le dieu de la médecine dans la mythologie grecque). Nietzsche interprète ces mots comme l'aveu d'une conception de la vie qu'il condamne et qui consisterait à la voir comme une maladie. Nietzsche appelle ainsi de ses voeux un dépassement non seulement du christianisme, mais des Grecs eux-mêmes au sens où Socrate, ayant pourtant vécu gaiement se serait contenter de faire bonne figure. La doctrine de l'éternel retour se veut une façon de réaliser ce dépassement et d'aimer la vie pour ce qu'elle est, sans crainte ni ressentiment.

mercredi 26 avril 2017

"Nous ne nous tenons jamais au temps présent"

Commentaire

Les Pensées (1670) sont un recueil de fragments et d'aphorismes rassemblés de Blaise Pascal (1623-1662). Elles sont à l'origine destinées à fournir la matière d'un livre dont l'objet est une apologétique chrétienne, c'est-à-dire un écrit en faveur de la justification et de la défense de la religion chrétienne. L'un des thèmes chers à Pascal est celui du divertissement : l'homme ne supportant pas de demeurer seul face à lui-même, se livre à des occupations futiles afin de se détourner de sa condition mortelle et misérable. 

Le texte ci-dessous constitue le fragment 43 dans l'édition Le Guern. Il traite de la manière dont l'homme vit dans le temps. Selon Pascal, l'homme tend à oublier le moment qu'il vit au profit des moments dont il se rappelle ou de ceux qu'il entrevoit. Préoccupé du passé ou du futur, il ne coïncide jamais avec le moment présent. Cette absence de coïncidence est à mettre en relation avec la notion de divertissement mais aussi avec celle de vanité qui conduit l'homme à prétendre à davantage que ce qu'il possède, souvent pour son propre malheur. 

"Qu’est-ce que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre, je l’ignore"

Commentaire

Les Confessions (397-401) sont une oeuvre à vocation autobiographique écrite par Augustin d'Hippone, plus connu sous le nom de Saint Augustin (354-430). L'ouvrage comporte treize livres, les neuf premiers sont consacrés au récit de la vie d'Augustin de son enfance à sa conversion au catholicisme et les quatre derniers, plus philosophiques, s'offrent comme une réflexion sur la mémoire, le temps et, plus généralement, comme une méditation sur la création divine. 

Le texte ci-dessous est extrait du livre XI, chapitre XIV intitulé "Qu'est-ce que le temps ?". Le livre XI est consacré au rapport du temps et de la création divine. Augustin établit que Dieu a créé le temps et qu'il n'existe donc pas de temps avant lui, Dieu étant extérieur du temps. Ainsi la question consistant à demander ce que Dieu faisait avant le temps n'a pas de sens. Elle revient à rester prisonnier de l'instabilité du temps et de l'impossibilité pour un esprit humain de penser l'éternité de Dieu. Le temps passe, mais pas l'éternité où tout est présent et qui reste identique à elle-même.

jeudi 20 avril 2017

"La mort n'est rien pour nous"

Commentaire

La Lettre à Ménécée d'Epicure (341-270 av. J.-C.) se présente comme un guide pratique et thérapeutique à destination de ceux qui souhaiteraient savoir comment orienter leur conduite dans la vie et qui aimeraient trouver un remède aux fausses opinions de l'âme générant des peurs telles que celles de la mort. Epicure commence sa lettre en exposant les fondements de sa morale que l'on peut condenser en quatre formules et qui forment ensemble ce qu'on appelle le tetrapharmakos ou "quadruple remède" : les dieux ne sont pas à craindre, la mort n'est rien, le bonheur est possible, la douleur est aisée à supporter. 

Le texte ci-dessous se trouve au début de la Lettre. Il est question ici plus spécifiquement du deuxième remède, celui servant à lutter contre la crainte de la mort. Epicure montre comment il est possible de s'en débarrasser par un exercice de pensée qui suit une méthode rationnelle. Il s'appuie sur une doctrine physique matérialiste selon laquelle l'âme est corporelle et composée d'atomes. Par conséquent, l'âme ne survit pas après la mort du corps mais disparaît avec lui. 

samedi 9 avril 2016

"Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais"

Commentaire

Les Confessions d'Augustin d'Hippone (354-430) ont été écrites entre  397 et 401 : il s'agit d'une oeuvre autobiographique composée de treize livres, dont les neuf premiers sont consacrés au récit allant de l'enfance à la conversion au christianisme et les quatre derniers s'offrent comme des réflexions plus philosophiques sur les problèmes de la vie tels que l'amour, la volonté, la culpabilité, etc. 

Le livre XI porte sur les problèmes de la création, de l'éternité et du temps. Dans le chapitre XII, Augustin s'interroge sur l'occupation de Dieu avant la création du monde. Il répond qu'il ne faisait rien et pour une raison simple : le temps n'existait pas encore. Au chapitre XIII, il précise que Dieu est hors du temps et que le temps a été créé avec le reste de la création. L'être éternel de Dieu est opposé à l'être temporel de l'homme, ce qui fait du temps une question proprement humaine. 

vendredi 24 mai 2013

Citations sur le sujet

1) La conscience

"Se connaître soi-même, c'est cela la sagesse". +++
- Platon, Charmide, (citant Critias faisant référence et reprenant l’inscription inscrite sur le fronton du temple de Delphes : "Connais-toi toi-même").

"Je pense, donc je suis". +++
- Descartes, Discours de la méthode, IV.

"L’homme (...) est un roseau pensant". +++
- Pascal, Pensées, fragment 348 (Brunscwicg). 

"Auparavant, [l'enfant] se sentait ; maintenant, il se pense". +++
- Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, I, §1. 

"Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience". +++
- Marx, Contribution à la critique de l'Économie politique, « Avant-propos ».

"Toute conscience est conscience de quelque chose".  +++
- Husserl, Méditations cartésiennes, §2. 

"Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix !"
- Rousseau, Emile ou De l’éducation.

"Deviens ce que tu es".
- Nietzsche, Le Gai Savoir. 

2) La perception

« Dans les impressions, il n’y a pas de science ».
Platon, Théétète.

« La perception porte nécessairement sur une réalité singulière, tandis que la science consiste dans le fait de connaître l’universel ».
Aristote, Seconds Analytiques.

« Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons comprendre le plus distinctement ».
Descartes, Méditations métaphysiques.

« Dans les sens, il n’y a point de jugement ».
Kant, Critique de la raison pure.

« La perception dispose de l’espace dans l’exacte proportion où l’action dispose du temps ».
Bergson, Matière et mémoire.

« Ce que chaque perception, même fausse, vérifie, c'est l'appartenance de chaque expérience au même monde ».
Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible.

3) L’inconscient

"Cent mille rien ne sauraient faire quelque chose". +++
- Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, "Préface". 

"Une pensée vient quand "elle" veut et non pas quand "je" veux". +++
- Nietzsche, Par-delà bien et mal, I, §17.

"Ce que la volonté veut, c'est toujours la vie"+++
- Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, §54.

"Montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison". +++
- Freud, L’inquiétante étrangeté et autres textes, « Une difficulté de la psychanalyse ».

"L'interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de l'inconscient dans la vie psychique"+++
- Freud, L'interprétation des rêves, VII, E.

"L'inconscient est une méprise sur le Moi, c'est une idolâtrie du corps". +++
- Alain, Eléments de philosophie, II, 16, "Du mécanisme", "Note sur l'inconscient".

4) Autrui

« Un ami est un autre soi-même ».
Aristote, La Grande Morale.

« Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant : parce que c'était lui, parce que c'était moi ».
Montaigne, De l'Amitié (parlant de son ami La Boétie).

« Le désir de l’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande ».
Tocqueville, De la démocratie en Amérique.

« L’enfer, c’est les autres ».
Sartre, Huis clos.

« Le visage est (…) ce dont le sens consiste à dire : ‘‘Tu ne tueras point’’. »
Levinas, Ethique et infini.

« Tout ce qui est commun, dans le désir (…) signifie non l’harmonie, mais le conflit ».
René Girard, La Violence et le Sacré.

5) Le désir

"Notre ancienne nature est telle que nous étions un tout complet"+++
- Platon, Banquet (citant Aristophane qui fait l'éloge d'Eros en racontant le mythe de l'androgyne).

"Parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres sans fondement". +++
- Épicure, Lettre à Ménécée.

"Si tu désires quelqu'une des choses qui ne sont pas en notre pouvoir, tu seras malheureux". +++
- Épictète, Manuel.

"Ce n'est pas par la satisfaction du désir que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir".- Épictète, Manuel.

"Ne demande point que les choses arrivent comme tu les désires, mais désire qu'elles arrivent comme elles arrivent et tu prospéreras toujours".
- Épictète, Manuel.

"Nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous la désirons"+++
- Spinoza, Ethique, III.

"Le désir est l’essence même de l’homme".
- Spinoza, Ethique, III.

"Changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde". +++- Descartes, Discours de la méthode, III (3e maxime de la morale par provision).

"La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui". +++
- Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, IV, § 57.

"Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède". - Rousseau, Julie ou La Nouvelle Héloïse.

"Nous ne savons renoncer à rien. Nous ne savons échanger qu’une chose contre une autre".
- Freud, Essais de psychanalyse appliquée.

"Le désir fleurit, la possession flétrit toutes choses".
- Proust, Les plaisirs et les jours.

6) L’existence et le temps

« Il n’y a pas de temps sans mouvement ou sans changement ».
Aristote, Physique.

« Le présent est court, l’avenir incertain ; le passé seul est assuré ».
Sénèque, De la brièveté de la vie.

« Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais bien. Si je veux l’expliquer à quelqu’un qui le demande, je l’ignore ».
Saint-Augustin, Confessions, VI, 14.

« Le présent d’ordinaire nous blesse ».
Pascal, Pensées, n°172 Brunchvicg, n°47 Lafuma.

« Le sentiment de l’existence dépouillé de toute autre affection est par lui-même un sentiment précieux de contentement et de paix ».
Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire.

« Le temps est la condition formelle a priori de tous les phénomènes ».
Kant, Critique de la raison pure.

« Le temps est ce qui empêche que tout soit donné tout d’un coup ».
Bergson, La pensée et le mouvant.

« L’existence est un fléchissement ».
Sartre, La Nausée.

mercredi 8 juillet 2009

Heidegger ou la destruction de la métaphysique

Le § 6 de Etre et temps s'intitule « La tâche d'une destruction de l'histoire de l'ontologie ». Il s'agit pour Martin Heidegger de présenter ce que doit impliquer une destruction (Destruktion) de l'histoire du discours sur l'être (c'est-à-dire de l'ontologie). En effet, dans la pensée grecque qui inaugure la naissance de la philosophie occidentale, la question de l'être des choses est la question fondamentale qui conditionne toute élaboration philosophique. Platon et Aristote cherchent à savoir « ce que sont les choses », c'est-à-dire à déterminer ce qu'est la vérité du monde et de nous-mêmes. Savoir ce que l'on est ainsi que se connaître soi-même font partie intégrante de ce questionnement sur l'être.

Cependant, Heidegger remarque que cette question a été trop souvent oubliée dans l'histoire de la philosophie. Les grandes philosophies modernes se déploient en effet sur un fond de concepts (Dieu, l'âme, le monde) où la question de l'être ne fait plus problème. La philosophie devient un simple discours sur l'étant des choses, c'est-à-dire un discours où l'être va de soi et ne suscite plus l'étonnement. Pour cette raison, il dénonce la philosophie moderne comme une onto-théologie, un discours qui ne se pose plus la question de l'être, mais qui se referme dans une conception théologique de l'être, où l'être est posé de façon dogmatique comme objet.

La destruction est une tâche que doit se donner la pensée pour se défaire de la tradition des concepts de la philosophie et ainsi revenir aux expériences originaires qui ont présidé à leur constitution, et notamment ceux de la philosophie grecque. Il s'agit donc de revenir à l'une des plus fondamentales questions de la philosophie : « qu'est ce que l'être ? ».

La destruction entraîne une répétition de la question de l'être dans l'objectif d'approfondir l'être à partir du temps. Heidegger avance que toute philosophie de l'être est solidaire d'une histoire et d'une temporalité. Dans la philosophie moderne, on a cru possible de dire l'être indépendamment du moment historique dans lequel se déployaient les concepts. L'être était pensé sans le temps. Or Heidegger montre qu'il y a une histoire de la philosophie, et une détermination des concepts qui est non seulement propre à une époque mais aussi à une existence humaine, celle du philosophe. On ne peut donc plus faire comme si le philosophe révélait la vérité telle qu'elle est indépendamment du temps propre à l'existence humaine.

Ainsi de la même façon que Deleuze a montré qu'il y avait une géographie de la philosophie, on peut dire qu'Heidegger a montré qu'il existait une histoire de la philosophie. Ce constat incite à prendre en compte l'idée que nous informons l'être en fonction du temps et du lieu où l'on se trouve. D'où l'importance de continuer à se reposer la question de l'être à chaque époque.

Heidegger propose de repartir de ce constat pour élaborer une philosophie qui puisse prendre en compte cette dimension historique. Il nous invite ainsi à détruire la métaphysique telle qu'elle s'est bâtie, c'est-à-dire sur une conception de l'être qui nie la dimension temporelle de l'existence.

Cette destruction n'est cependant pas entièrement négative. La destruction heideggérienne ne laisse pas place à un champ de ruines. Heidegger détruit la philosophie pour répéter une question qui doit ouvrir à une nouvelle philosophie prenant en compte l'existence historique de l'homme et son rapport problématique à l'être. C'est en ce sens que Derrida a proposé comme traduction du terme allemand Destruktion la "déconstruction". La déconstruction est ce qui détruit et reconstruit dans un même mouvement de pensée la pensée.

Cette réflexion a stimulé toute une réflexion philosophique qui se donne pour tâche de lire les textes en ré-insérant des concepts dans leur trajectoire historique.