samedi 14 mars 2020

Programme de l'enseignement de philosophie de la classe terminale de la voie générale et de la classe terminale de la voie technologique

L'arrêté du 19 juillet 2019 a modifié le Programme de l'enseignement de philosophie de la classe terminale de la voie générale (VG) et de la classe terminale de voie technologique (VT). Ce nouveau programme entre en vigueur à la rentrée scolaire 2020. Il s'ordonne autour de trois perspectives : 
  • l'existence humaine et la culture ;
  • la morale et la politique ;
  • la connaissance. 

jeudi 7 juin 2018

Einstein, Freud, Pourquoi la guerre ? (1933)

Présentation du texte

Le texte qui va suivre est la traduction par Blaise Briod d'une lettre d'Albert Einstein à Sigmund Freud, suivie de la lettre de réponse de Sigmund Freud à Albert Einstein. Sous le titre Pourquoi la guerre ?, elles furent publiées en 1933 par l'Institut international de coopération intellectuelle. Ce volume faisait partie d'une série de publications patronnées par l'Institut, les Correspondances, dans lesquelles des personnalités marquantes du monde intellectuel échangeaient leurs vues sur des questions essentielles, la plus cruciale étant la menace d'une guerre.

Existe-t-il un moyen d'affranchir les hommes de la menace de la guerre ? De canaliser l'agressivité de l'être humain et de le rendre psychiquement mieux armé contre ses pulsions de haine et de destruction ? Telles sont les questions qu'Albert Einstein pose en juillet 1932 à Sigmund Freud, alors que les périls montent en Europe avec l'arrivée au pouvoir du fascisme en Italie (Mussolini devient président du Conseil en 1922) et la montée du nazisme en Allemagne (Hitler sera nommé Chancelier en janvier 1933). 

Dès septembre 1932, le père de la psychanalyse, qu'Einstein appelle le "grand connaisseur des instincts humains", répond au physicien, en s'expliquant sur les soubassements psychiques du comportement, et en précisant les voies possibles vers une cessation des conflits qui opposent les hommes. Il peut également être intéressant de noter que Freud enverra un exemplaire dédicacé de l'ouvrage, reprenant ces deux lettres, à Mussolini avec l'inscription suivante : "À Benito Mussolini, avec le salut respectueux d’un vieil homme qui reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture".

vendredi 4 mai 2018

"La civilisation doit tout mettre en œuvre pour limiter l'agressivité humaine"

Commentaire

Malaise dans la civilisation (1929) est un ouvrage de Sigmund Freud (1856-1939) dont l'objet principal est d'exposer le malaise interne au processus de civilisation. Ce processus se caractérise par la transformation des instincts (ou des pulsions) en aspirations socialement acceptables afin de permettre la vie en société. Cependant, il porte en lui-même les germes d'un malaise parce qu'il revient, en fait, à forcer les individus à renoncer à leurs instincts, ce qui les rend malheureux. Dans sa typologie des instincts, Freud en distingue deux fondamentaux : instinct érotique et instinct de mort. Il les qualifie aussi en utilisant le nom du dieu grec correspondant, respectivement Eros et Thanatos.  

C'est de cet instinct de mort dont il est question dans le texte présenté ci-dessous, extrait de la fin du chapitre V, et plus précisément d'une notion qui en découle et qui est l'agressivité. Pour Freud, en effet, il est naïf de considérer comme le font les religions, que l'homme n'est qu'amour et paix. Autrui peut à tout moment devenir un objet sexuel ou servir à satisfaire un besoin d'agression. Il reprend ainsi à son compte la formule de Plaute selon laquelle l'homme est un loup pour l'homme (Homo homini lupus) et qui est à la racine de l'anthropologie de Hobbes. L'histoire fourmille d'exemples où les forces morales reculant, l'homme se livre aux plus exécrables atrocités (un peu en amont du texte, il fait référence notamment à l'invasion des Huns ou à la Première Guerre mondiale), ce qui démontre que le processus de civilisation n'est pas forcément progressif, mais peut connaître à tout moment, des moments régressifs. Il se caractérise donc par une extrême fragilité.

lundi 30 avril 2018

"Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage"

Commentaire

Les Essais sont une oeuvre de Michel de Montaigne (1533-1592) composée de trois tomes, les deux premiers publiés en 1580 et le troisième en 1588. Sans ordre apparent, Montaigne traite de sujets divers "de bonne foi" comme il le rappelle à son lecteur dès le début de son ouvrage, et ce, de manière à dresser son portrait intellectuel, "sans contention ni artifice", portrait dont il affirme qu'il l'aurait peint "tout entier" et "tout nu" s'il avait été "entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de la nature".  

Or, c'est justement de ces nations dont il va être question dans l'extrait présenté ci-dessous, issu de l'essai intitulé "Des cannibales" (tome I, XXXI). Montaigne y évoque les peuplades du Nouveau Monde récemment découvert, notamment celles de la France antarctique, éphémère colonie française qui occupa la baie de Guanabara, à Rio de Janeiro, au Brésil, de 1555 à 1560. Présentant leurs coutumes, il montre que le cannibalisme de ces sociétés n'est peut être pas plus barbare que les exactions commises au nom de la religion en Europe par des hommes prétendument civilisés.

dimanche 29 avril 2018

"La culture, mot et concept, est d'origine romaine"

Commentaire

La crise de la culture est le titre français du recueil de six, puis de huit essais rassemblés et publiés par Hannah Arendt (1906-1975) sous le titre Between Past and Future (1961, puis 1968). Le thème commun de ces essais est celui du diagnostic d'une époque en crise avec d'un côté, une usure de la tradition, et de l'autre, un avenir incertain. Partant de la rupture moderne dans la tradition et du concept d'histoire, Arendt discute ensuite deux concepts politiques centraux que sont l'autorité et la liberté, puis analyse quatre problèmes d'actualité : la crise de l'éducation et de la culture, le rapport entre vérité et politique et la conquête de l'espace.

Le texte ci-dessous est extrait de l'essai "La crise de la culture : son sens politique et social". Arendt s'intéresse au concept de "culture de masse" (mass culture) et montre que dans les sociétés de masse, les objets culturels sont devenus des objets de loisir plutôt que des objets de culture. Dans la société de consommation, le temps de loisirs est consacré au divertissement et non plus au perfectionnement de soi-même. Alors que la culture dépassait initialement le cadre de la vie humaine, pour atteindre un temps plus pérenne, le loisir est une activité insatiable de consommation de biens éphémères sans arrêt renouvelés. L'enjeu est de montrer que le mot "culture" qu'on emploie aujourd'hui pour désigner la culture de masse est en réalité mal employé. 

mercredi 25 avril 2018

"Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie”

Commentaire

Race et Histoire (1952) est un texte de Claude Lévi-Strauss (1908-2009) publié à l'origine par l'UNESCO dans une collection de brochures intitulée Le racisme devant la science et destinée à lutter contre le préjugé raciste. Lévi-Strauss commence par contester la scientificité du concept de race établi par Gobineau selon lequel il existerait trois races fondamentales (blanche, noire, jaune) dont le métissage affaiblirait les aptitudes particulières de chacune. Au concept de race, Lévi-Strauss préfère celui de culture. Pour lui, la diversité culturelle est immense (et pour une grande part inconnaissable dans toute son étendue) et résulte davantage des interactions culturelles que de leur isolement (telle coutume apparaissant au sein d'un groupe en réponse à une autre du même genre dans une autre culture).

Le texte est issu de sa troisième partie (sur dix) intitulée "L'ethnocentrisme". L'ethnocentrisme est l'attitude qui consiste à privilégier le groupe ethnique auquel on appartient et à en faire l'unique modèle de référence. La conséquence est de conduire à juger les autres cultures différentes soit comme étant inférieures, soit comme n'étant pas de véritables cultures en ayant un rapport de proximité assez fort avec la nature (cf. ceux que l'on qualifie de "sauvages"). Dans cette attitude, Lévi-Strauss détecte une contradiction fondamentale : celle qui consiste finalement à reproduire soi-même ce que l'on reproche aux autres, à savoir se comporter en niant l'humanité d'autrui. L'enjeu est donc de pouvoir juger les autres cultures tout en ayant conscience de leur irréductibilité et de leur diversité. 

"La culture de ses facultés naturelles est un devoir de l'homme envers lui-même"

Commentaire

La Métaphysique des moeurs (1795) est un texte d'Emmanuel Kant où il détaille des exemples concrets qui illustrent la théorie exposée dans les Fondements de la métaphysique des moeurs parus dix plus tôt en 1785. La métaphysique des moeurs désigne, pour Kant, la science générale des devoirs, lesquels peuvent être traduits par des lois extérieures (les droits) ou non (la vertu). L'ouvrage se divise ainsi en deux parties : la "Doctrine du droit" et la "Doctrine de la vertu". Le fait de se cultiver relève de la contrainte intérieure que l'on peut exercer sur soi indépendamment de lois extérieures et constitue une vertu.

Le texte ci-dessous est extrait de la "Doctrine de la vertu". Dans cette partie de la Métaphysique des moeurs, Kant distingue les devoirs envers soi-même et les devoirs envers les autres, et parmi les devoirs envers soi-même, ceux qui sont parfaits (qui créent des devoirs d'obligation stricte, qui défendent d'agir contre notre nature, comme par exemple ne pas se suicider) et ceux qui sont imparfaits (qui créent des devoirs d'obligation large, qui nous ordonnent d'agir positivement, par exemple de se perfectionner). Le fait de se cultiver fait justement partie de ces devoirs imparfaits envers soi-même.