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samedi 11 juin 2016

Cours - La matière et l'esprit

Introduction

La matière désigne en première approche le matériau, c'est-à-dire ce qui permet de construire quelque chose, par exemple le bois qui va servir à fabriquer la coque d'un bateau. L'étymologie du mot rappelle ce premier sens : matière vient du latin materia, mot étant un dérivé de materies qui signifie "bois de construction". D'ailleurs le mot grec que traduit le latin materia est hulê qui désigne le bois en tant qu'il est destiné à être travaillé. En un autre sens, finalement assez proche, la matière renvoie à la discipline que l'on étudie, par exemple la philosophie. Or en philosophie justement, la matière a une acception particulière : elle est la substance qui constitue les corps. On la distingue notamment de la forme qui détermine l'organisation même de cette matière. Mais on peut aussi la distinguer de l'esprit que l'on a supposé pendant longtemps comme immatériel. 

De ce point de vue, on peut s'amuser à remarquer le paradoxe qu'il y a à parler de "matière grise" pour désigner l'intelligence, expression à laquelle recourent les anatomistes du cerveau pour désigner une partie du système nerveux central qui apparaît plus sombre au microscope que le reste du tissu nerveux. En effet, "avoir de l'esprit" est également une expression qui renvoie à une forme d'intelligence caractérisée par sa finesse et sa culture. L'esprit est étymologiquement un souffle (du latin spiritus). Au pluriel, on parle "des esprits" pour désigner des êtres incorporels que l'on rapproche des fantômes. En philosophie, l'esprit désigne la réalité pensante, le principe pensant en général que l'on oppose à l'objet de pensée (la matière). Il est un synonyme de la notion d'âme qui renvoie plus spécifiquement au principe de la vie psychique d'un individu, vie psychique qui peut être intellectuelle, mais aussi affective. 

jeudi 9 juin 2016

"La conscience est incontestablement accrochée à un cerveau"

Commentaire

L'Energie spirituelle (1919) est un recueil de sept essais et conférences du philosophe français Henri Bergson (1859-1941). Le texte ci-dessous est extrait du chapitre II qui s'intitule "L'âme et le corps". A l'origine, il s'agit d'une conférence publiée par la revue de culture protestante Foi et Vie en 1912. Bergson s'y interroge sur les interactions entre le cerveau et la conscience. Il défend l'idée que la conscience n'est pas matérielle et qu'on ne doit pas réduire le mental au cérébral car il n'est pas possible de voir dans un cerveau l'intégralité de ce qui se passe dans la conscience qui lui correspond.

Le texte se situe au début de la conférence, Bergson vient de reprendre la position scientiste qui prétend pouvoir expliquer les causes dont la conscience est l'effet et il remarque qu'elle n'apporte pas les preuves de cette prétention. Il en appelle donc à l'expérience pour rejeter l'idée que le mental (la conscience) se confondrait avec le cérébral (le cerveau). Bergson est en effet le défenseur d'un spiritualisme psychologique (à ne pas confondre avec le spiritualisme philosophique de Berkeley), doctrine selon laquelle les phénomènes psychiques ne sont pas réductibles aux phénomènes physiologiques (c'est-à-dire aux phénomènes qui tiennent à l'organisation physique du cerveau). 

mercredi 8 juin 2016

"L'existence d’une idée consiste à être perçue"

Commentaire

Le Traité des principes de la connaissance humaine (1710) a été écrit par le philosophe irlandais George Berkeley (1685-1753). Dans cet ouvrage, il se fixe comme objectif de montrer que la substance matérielle n'existe pas. Il qualifie sa doctrine d'immatérialisme : elle consiste à nier l'existence de la matière comprise comme ce qui est extérieur à l'esprit. Seul ce que l'on perçoit existe, le reste n'a pas de réalité. Une telle proposition reçut un accueil mitigé, nombreux sont ceux qui ont reproché à Berkeley un goût du paradoxe sans prendre au sérieux sa philosophie. Elle dispose toutefois d'une charge critique indéniable concernant notre idée de la matière : et si cette dernière n'était finalement qu'un produit de l'esprit ?

Le texte ci-dessous constitue les premières lignes de la première et unique partie de son Traité. Berkeley déploie les arguments qui l'incitent à penser que seul ce qui est perçu peut être dit existant. Il commence par analyser "les objets de la connaissance humaine" et distingue trois types d'idées : 
  • les idées actuellement imprimées sur les sens ;
  • les idées perçues quand l'attention s'applique aux passions et aux opérations de l'esprit ;
  • les idées formées à l'aide de la mémoire et de l'imagination à partir des deux premières sortes d'idée.

mardi 7 juin 2016

"La sensibilité, propriété générale de la matière"

Commentaire

Le rêve de d'Alembert paru en 1831, mais rédigé en 1769, est un ouvrage de Diderot (1713-1784) qui comprend trois dialogues : le premier s'intitule "Entretien entre d'Alembert et Diderot", le deuxième donne son titre à l'ensemble ("Le rêve de d'Alembert") et le troisième se nomme "Suite de l'entretien". Dans ceux-ci, Diderot s'intéresse à la biologie et au rapport entre la matière et l'esprit. Il est le tenant d'une matière unique, dont la propriété générale est la sensibilité, et qui peut se présenter sous diverses formes. Il prend position contre le cartésianisme et plus globalement contre tout dualisme esprit-matière. 

Le texte ci-dessous est connu dans l'histoire de la philosophie comme l'exemple de l'oeuf. Il se trouve dans le premier dialogue du Rêve de d'Alembert. C'est Diderot qui parle et qui présente sa position. Il part du sens commun : "voyez-vous cet oeuf ?" En apparence, il a l'air d'une simplicité déconcertante. Pourtant affirme Diderot, "c'est avec cela qu'on renverse toutes les écoles de théologie". Il déploie son exemple en s'interrogeant sur ce qu'est l'oeuf, sur sa nature. Qu'est-ce qu'il est ? Au départ, il n'est qu'une "masse insensible" et même lorsqu'on introduit "le germe" qui n'est qu'un "fluide inerte et grossier". De ces deux matières que sont le germe et l'oeuf, comment peut donc naître la vie ? 

mercredi 25 mai 2016

"Je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote en son navire"

Commentaire

Les Méditations métaphysiques (1641) retranscrivent le chemin emprunté par Descartes (1596-1650) pour établir les principes de sa philosophie. Elles suivent l'ordre analytique de la découverte, c'est-à-dire l'ordre des raisons : on part du plus évident pour déduire les autres choses (cet ordre s'oppose à celui des matières où l'on part du plus important dans l'exposé général). Elles se composent de six méditations : le doute (I) d'abord, puis la découverte du cogito (II), l'idée d'infini donc de Dieu (III), la garantie divine de la véracité des idées claires et distinctes (IV), l'argument ontologique prouvant l'existence de Dieu (V) et l'union de l'âme et du corps (VI). 

Le texte ci-dessous est extrait de la Sixième méditation. Descartes, qui est parti de l'existence de la conscience à travers le cogito, doit expliquer l'existence des choses matérielles. Descartes avait imaginé la possibilité pour que ce qu'il perçoit du monde extérieur ne soit qu'un rêve. Or la preuve de l'existence de Dieu apporte une caution de la véracité de cette perception. Par conséquent, ce que nous percevons par les sens n'est jamais faux en soi, c'est l'opinion ou le jugement que nous nous faisons ensuite sur ce que nous percevons qui nous induit en erreur. Aussi, nous avons la faculté de corriger ces jugements du moment que nous nous bornons à juger seulement des choses dont nous avons une conception claire et distincte. 

"L'âme ressemble à ce qui est divin"

Commentaire

Le Phédon (385 av. J.-C.) est un dialogue de Platon (428-348 av. J.-C.) de la période dite de maturité. Il met en scène les derniers instants de Socrate, entouré par ses disciples dont les deux personnages qui apparaissent dans le texte ci-dessous, Cébès et Simmias. Il s'apprête à boire la ciguë conformément à la condamnation à mort dont il a fait l'objet à la suite de son procès. Le sujet principal qui est abordé est l'immortalité de l'âme. Avancée comme une hypothèse dans l'Apologie de Socrate, Platon qui s'affirme progressivement au cours de son oeuvre, en fait ici un élément acquis de sa philosophie.

Juste avant le texte ci-dessous, Socrate a utilisé sa théorie de la réminiscence pour convaincre son auditoire de l'immortalité de l'âme : l'âme en effet n'apprend rien de nouveau, elle ne fait que se ressouvenir de ce qu'elle a déjà appris lorsqu'elle pouvait contempler les Idées. Comme cet argument n'a pas convaincu Cébès et Simmias, Socrate en vient à l'examen des relations entre l'âme et le corps. Il remarque alors que l'âme se perd si elle se laisse troubler par le corps, mais qu'elle parvient à contempler les Idées immuables et éternelles si elle se tourne vers elle-même.

lundi 23 mai 2016

"C'est de matière qu'il faut que soit formée la substance de l'esprit"

Commentaire

De la nature des choses est la seule oeuvre de Lucrèce (98-55 av. J.-C.), philosophe latin influencé par la philosophie d'Epicure. Elle est écrite en vers, composée de six livres et probablement inachevée. Lucrèce, Epicure, mais aussi Leucippe et son disciple Démocrite qui en sont les précurseurs, sont les tenants du matérialisme, théorie selon laquelle tout le réel est composé de matière. Ce matérialisme est qualifié d'atomiste au sens où il s'accompagne d'une représentation de la matière comme composée d'atomes (à comprendre étymologiquement comme ce qui ne peut plus se séparer, du grec a-tomein : "qu'on ne peut pas couper").

Le texte ci-dessous est extrait du livre III. Ce livre est consacré à l'étude de la nature de l'âme. Lucrèce vient de défendre l'idée que l'esprit n'est pas différent d'une quelconque partie du corps. Il considère donc l'âme non pas comme une réalité immatérielle, mais comme une substance corporelle. Cette idée a un objectif thérapeutique : il s'agit de vaincre la peur de la mort. Si l'âme est matérielle, elle est corporelle et composée d'atomes, elle ne peut donc pas survivre à la mort du corps auquel elle est attachée. Puisque lorsque nous n'existons point, nous ne souffrons pas, il n'y a aucune raison pour que nous ressentions quelque chose une fois mort. La mort n'est donc pas à craindre.

vendredi 24 mai 2013

Citations sur la raison et le réel

1)      Théorie et expérience


« C’est à partir de la mémoire que les hommes acquièrent de l’expérience ».
Aristote, Métaphysique.

« Tous les raisonnements sur les choses de fait semblent être fondés sur la relation de cause à effet ».
Hume, Enquête sur l’entendement humain.

« Des jugements empiriques, en tant qu’ils ont une valeur objective, sont des jugements d’expérience ».
Kant, Prolégomènes à toute métaphysique future.

« La raison doit se présenter à la nature en tenant d’une main ses principes (…) et de l’autre l’expérimentation ».
Kant, Critique de la raison pure, « Seconde préface ».

« Savoir s’il y a une connaissance indépendante de l’expérience ».
Kant, Critique de la raison pure, « Introduction ».

« L’expérience est l’investigation d’un phénomène modifié par l’investigateur ».
Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale.

« Toute théorie reconduit en dernière instance à une expérience ».
Husserl, De la synthèse passive.

2)      La démonstration


« Ceux qui sont naturellement doués pour le calcul ont pour ainsi dire l'esprit agile dans toutes les autres sciences ».
Platon, La République.

« Ce que nous appelons apprendre est une réminiscence ».
Platon, Ménon.

« Rien n'est dans l'intelligence qui n'ait été d'abord dans les sens ».
Thomas d’Aquin, De Veritate.

« Les premiers principes ne peuvent être connus que par intuition ; et au contraire les conséquences éloignées ne peuvent l'être que par déduction ».
Descartes, Règles pour la direction de l'esprit.

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ».
Pascal, Pensées.

« On peut, sur les vérités de fait, se passer de la démonstration si l'on sait se servir de l'expérience ».
Bacon, Opus majus.

« Au commencement l’âme est ce qu’on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée, quelle qu’elle soit ».
Locke, Essai sur l’entendement humain.

3)      L’interprétation


« Toute compréhension de la partie est conditionnée par une compréhension du tout ».
Schleiermacher, Herméneutique, « Aphorismes ».

« Rien n’est plus dangereux que l’axiome commun selon lequel il faut consulter l’esprit de la loi ».
Beccaria, Des délits et des peines, « Interprétation des lois », §IV.

« Les sciences de l’esprit ont le droit de déterminer elles-mêmes leurs méthodes en fonction de leur objet ».
Dilthey, Idées concernant une psychologie descriptive et analytique.

« Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées ».
Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus.

« Comprendre, c’est toujours interpréter ».
Gadamer, Vérité et Méthode.

« Dire quelque chose de quelque chose c’est, au sens complet et fort du mot, interpréter ».
Ricœur, De l’interprétation.

4)      Le vivant


« C’est par la vie que l’animé se distingue de l’inanimé ».
Aristote, Traité de l’âme, II, I, 413a21.

« Nous voyons des horloges, des fontaines artificielles, des moulins et autres semblables machines, qui (…) ne laissent pas d’avoir la force de se mouvoir d’elle-même ».
Descartes, Traité de l’homme, XI.

« Un être organisé n’est pas simplement une machine (…), mais (…) il possède une force formatrice qu’il communique aux matières qui n’en disposent pas ».
Kant, Critique de la faculté de juger, §65.

« La vie, c'est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort ».
Bichat, Recherches physiologiques sur la vie et la mort.

« L'idée de vie suppose constamment la corrélation de deux éléments indispensables, un organisme approprié et un milieu convenable ».
Comte, Cours de philosophie positive.

« Le but que se propose la méthode expérimentale (…) consiste à rattacher par l’expérience les phénomènes naturels à leurs conditions d’existence ou à leurs causes prochaines ».
Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale.

« Le roman naturaliste (…) est une expérience véritable que le romancier fait sur l’homme, en s’aidant de l’observation ».
Zola, Le Roman expérimental.

« Une des propriétés fondamentales qui caractérisent tous les êtres vivants sans exception : celle d'être des objets doués d'un projet ».
Monod, Le hasard et la nécessité.

5)      La matière et l’esprit


« La lettre tue, mais l'esprit vivifie ».
Saint Paul, Epître aux Corinthiens, (2 Co, 3, 6).

« Je ne suis qu’une chose qui pense, c'est-à-dire un esprit ».
Descartes, Méditations métaphysiques, II.

 « L'âme de l'homme est réellement distincte du corps, et toutefois elle lui est si étroitement conjointe et unie qu'elle ne compose que comme une même chose avec lui ».
Descartes, Abrégé des Méditations métaphysiques.

« Chaque portion de la matière peut être conçue comme un jardin plein de plantes (…) et chaque rameau de la plante (…) est encore un tel jardin ».
Leibniz, Monadologie, §67.

« L'esprit n'est lui-même que le produit le plus élevé de la matière ».
Engels, La fin de la philosophie classique allemande.

« La théorie de la relativité nous a appris que la matière représente d’immenses réservoirs d’énergie et que l’énergie représente la matière ».
Einstein, L’Evolution des idées en physique.

6)      La vérité


« Nous devons demeurer sans opinion, sans inclination, sans agitation ».
Pyrrhon.

« L’homme est la mesure de toute chose ».
Protagoras.

« Tous les hommes désirent naturellement savoir ».
Aristote, Métaphysique.

« Le faux et le vrai ne sont pas dans les choses, comme si le bien était le vrai et le mal, en lui-même le faux, mais dans la pensée ».
Aristote, Métaphysique.

« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ».
Descartes, Discours de la méthode.

« La volonté de vérité pourrait secrètement une volonté de mort ».
Nietzsche, Le gai savoir.

« Presque rien n'est plus inconcevable que l'avènement d'un honnête et pur instinct de vérité parmi les hommes. »
Nietzsche, Sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral.

« Ce qui est incompréhensible, c'est que le monde est compréhensible ».
Einstein, Comment je vois le monde.