dimanche 28 mai 2017

"Chaque matin nous serons à la veille de la fin des temps"

Commentaire

Dans "La fin de la guerre" (1945), texte initialement paru dans le premier numéro de la revue Les Temps modernes, Jean-Paul Sartre (1905-1980) donne son sentiment sur la nouvelle période qui s'ouvre après les terribles événements de la Seconde Guerre mondiale. Terminée en Europe après la capitulation de l'Allemagne nazie le 8 mai 1945, puis achevée définitivement sur le théâtre d'opération Asie-Pacifique le 2 septembre 1945 avec la capitulation du Japon, cette guerre totale propulse sur le devant de la scène deux grands vainqueurs : les Etats-Unis d'Amérique et l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS). 

Le texte ci-dessous s'inscrit dans la ligne éditoriale de la revue des Temps modernes qui a pour objectif de produire certains changements dans la condition sociale de l'homme et dans la conception qu'il a de lui-même. Sartre revient sur l'indifférence et l'angoisse qui caractérisent, selon lui, cette fin de guerre. C'est que, si la guerre a pris fin, la paix n'a, en revanche, pas vraiment commencé. La paix semble être devenue un jeu continu de dégradés. Les derniers événements ont révélé que les puissances de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon) étaient finalement les nations les plus faibles, qui cèdent la place à deux superpuissances disposant de moyens colossaux. Mais surtout, ils ont montré le vrai visage de cette guerre : un avertissement de la fragilité humaine. Ils mettent l'homme face à sa responsabilité essentielle : c'est à lui qu'il appartient de définir le sens de l'histoire.

samedi 27 mai 2017

"L'histoire de toute société jusqu’à nos jours n'a été que l’histoire de luttes de classes"

Commentaire

Le Manifeste du parti communiste (1848) est un texte de Karl Marx (1818-1883) et de Friedrich Engels (1820-1895). Il a d'abord été publié anonymement en allemand. Il constitue le programme de la Ligue des communistes, organisation internationale fondée à Londres en 1847 et dont l'objectif est de faire connaître et de diffuser ses idées à travers le monde. La publication du manifeste est contemporaine des événements révolutionnaires de février 1848 en France qui aboutissent à la proclamation de la Deuxième République. 

Le texte ci-dessous se trouve au début du Manifeste. Dans un paragraphe introductif, Marx et Engels dressent le constat ironique du "spectre du communisme" qui inquiète les puissances de la vieille Europe ainsi que la Russie tsariste. Ils notent que l'épithète "communiste" est devenue une insulte. Ils en déduisent donc que le communisme est d'ores et déjà reconnu comme "une puissance" à part entière par les autres puissances d'Europe. Le Manifeste vise à exposer les conceptions, les buts et les tendances du communisme et à expliquer pourquoi comparer le communisme à un fantôme n'est qu'un conte destiné à effrayer les peuples. 

mercredi 24 mai 2017

"Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion"

Commentaire

La Raison dans l'Histoire constitue l'introduction des Leçons sur la philosophie de l'histoire (1837) de Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831). Ces leçons ont été publiées après la mort de l'auteur, à partir des notes de cours prises par ses étudiants. Dans cette introduction, Hegel explique que la raison est à l'oeuvre dans l'histoire, c'est-à-dire que, contrairement aux apparences, l'histoire ne se réduit pas au déroulement d'une série de faits désordonnés et chaotiques, mais réalise le développement de la rationalité. Il existe donc un sens de l'histoire vers plus de droits et de libertés.

Le texte ci-dessous est extrait de la partie consacrée au matériel de la réalisation de l'Esprit. Hegel vient de souligner les conséquences désastreuses des passions humaines qui entraînent un déchaînement de violences et de destructions de toute sorte. Mais il ne s'arrête pas à ce constat. Il cherche à comprendre à quelle fin tous ces immenses sacrifices sont accomplis. Ainsi, il estime qu'ils sont, en réalité, les moyens mis au service d'une cause supérieure : la réalisation et la prise de conscience de l'Esprit par lui-même, l'Esprit désignant l'unité entre la réalité et la pensée. Dans l'histoire, le négatif apparaît comme le moyen pour le positif d'advenir, les passions ne s'opposent pas à la raison, mais sont la condition de son développement.

dimanche 21 mai 2017

"On peut considérer l'histoire de l'espèce humaine comme l'exécution d'un plan caché de la nature"

Commentaire

L'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784) est un article du philosophe Emmanuel Kant (1724-1804) qui comprend une introduction et neuf propositions. Pour Kant, les actions humaines, comme tout autre événement naturel, obéissent aux lois universelles de la nature. Lesquelles ? C'est ce qui n'est pas évident à déterminer car il faut prendre en considération le rôle de la liberté du vouloir humain. Mais de même que des études statistiques permettent de mieux saisir les régularités des comportements humains, Kant estime possible de trouver un fil conducteur à l'histoire.

Le texte ci-dessous constitue la Huitième proposition de l'ouvrage. Dans la proposition précédente, la septième, Kant note que les Etats se comportent au niveau international comme les individus à l'état de nature : ils entrent en conflit. Or, l'état civil naît de ces antagonismes et de la nécessité d'y mettre un terme en instituant un ordre qui garantisse à chacun des droits. La nature utilise ainsi les pulsions destructrices des hommes pour les amener là où la raison simple aurait dû les conduire. En tant que telle donc, la coexistence pacifique des nations n'adviendra pas de la seule sagesse des nations, mais sera le fruit d'un processus similaire à celui qui a mené les individus vers la société civile, c'est-à-dire un processus traversé par de violents sursauts tels que les guerres ou les révolutions et suivi par la compréhension de la nécessité de juridiciser et de moraliser les relations entre les Etats.

mercredi 17 mai 2017

"Les hommes acceptent sans examen les récits des faits passés" 

Commentaire


La Guerre du Péloponnèse (fin du Ve siècle av. J.-C.) narre les premières années du conflit qui a opposé de 431 à 404, les deux grandes cités grecques antiques : Sparte avec la ligue du Péloponnèse et Athènes avec la ligue de Délos. Elle est l'oeuvre de l'historien athénien Thucydide (460-395 av. J.-C.). Elle constitue l'un des premiers textes d'histoire avec l'Enquête (445 av. J.-C.) d'Hérodote qui décrit les guerres médiques opposant les Grecs aux Perses de 490 à 479 av. J.-C. Elle est généralement considérée comme le premier récit historique fidèle et rigoureux, l'ouvrage d'Hérodote étant encore marqué par la mythologie. 

Le texte ci-dessous rassemble trois chapitres (XX, XXI et XXII) tirés du livre I sur les huit que contient l'oeuvre. Il est consacré à l'analyse des causes de la guerre. Cette recherche des causes véritables est tout à fait inédite à l'époque dans l'analyse historique. Thucydide étudie comment Athènes, dans les cinquante années qui ont suivi la victoire sur les Perses, est parvenue à constituer un empire dont l'accroissement inquiétait les Lacédémoniens, poussant ainsi ces derniers à déclencher la guerre, suivis par leurs alliés, qui craignaient pour leur indépendance. L'explication classique par les griefs de chaque camps laisse la place à une analyse qui tient compte de la situation politique, ainsi que du contexte socio-économique. Les causes des événements ne sont plus à rechercher en dehors du monde humain, mais à l'intérieur de celui-ci, tenant compte des ambitions des cités et de leurs dirigeants. 

Cours - Le langage

Introduction

Tout langage fonctionne au moyen d'un système de signes permettant la compréhension mutuelle entre un émetteur et un récepteur. Ces signes peuvent être de nature très différente. Le langage que nous utilisons chaque jour pour nous exprimer est composé de mots, mais il existe aussi un langage informatique, un langage des fleurs et même un langage des abeilles. Le langage n'est donc pas nécessairement à restreindre aux langues propres à un pays, à la langue française par exemple. Il permet de communiquer, c'est-à-dire, si l'on suit l'étymologie latine du verbe communicare, de "partager" et de "mettre en commun" une information.

Mais peut-on être certain que les langages comme le langage informatique ou le langage des abeilles soient à mettre sur le même plan que les langues que nous utilisons pour exprimer nos pensées ? Le langage informatique n'est en fait qu'un code servant à la programmation. Il est destiné à exploiter un certain nombre d'informations présentes dans la mémoire d'une machine informatique. Mais il semble beaucoup moins complexe que le langage que nous utilisons pour nous exprimer. De même, le langage des abeilles désigne les danses qui permettent aux abeilles de se transmettre entre elles la localisation du nectar indispensable à la fabrication du miel. Mais a-t-on déjà vu une abeille faire une blague à une autre en lui indiquant une mauvaise direction ? 

dimanche 14 mai 2017

"Dire, c'est faire"

Commentaire

Quand dire, c'est faire (1962) est un ouvrage du philosophe anglais John Langshaw Austin (1911-1960) qui met en évidence l'existence d'énoncés performatifs, c'est-à-dire constituant une action particulière en même temps qu'ils sont énoncés. Jusqu'à sa découverte, les philosophes considéraient que tous les énoncés étaient susceptibles d'être considérés comme vrais ou faux. Austin amène à distinguer les énoncés constatifs qui ont une valeur de vérité des énoncés performatifs qui n'ont pas cette valeur.

Le texte ci-dessous analyse quelques exemples de phrases qui présentent comme spécificité d'être performatives. L'adjectif performatif a la même racine que performance, mot qui vient de l'anglais to perform "effectuer", lui-même venant du verbe ancien français parformer qui signifiait "accomplir, exécuter ; achever". Les idées d'accomplissement, d'exécution et d'achèvement sont donc primordiales dans ce type d'énoncés. Il faut souligner également que le statut du locuteur importe puisque c'est grâce son statut particulier qu'il parvient à créer des effets avec son énoncé : c'est le mari qui dit "oui", la reine qui baptise le bateau, le mourant qui rédige son testament ou le joueur qui parie.

"Pour les poètes, les mots sont à l'état sauvage"

Commentaire

Qu’est-ce que la littérature ? (1948) est un manifeste où Jean-Paul Sartre (1905-1980) défend sa conception d'une littérature engagée, c’est-à-dire dont l'ambition est d'avoir une influence sur le réel en prenant position en faveur d’une cause éthique, politique ou religieuse. Cet essai qui est, en réalité, un recueil de plusieurs articles, répond à trois questions : "qu’est-ce qu’écrire ?", "pourquoi écrire ?" et "pour qui écrit-on ?". 

Le texte ci-dessous se situe au début du livre, dans la partie "qu’est-ce qu’écrire" et cherche à déterminer quelle est la spécificité du langage poétique. La thèse de l’auteur est que le poète se retire de l’utilisation quotidienne et banale du langage qui sert d’instrument pour se faire comprendre. L’enjeu est de faire apparaître que le langage poétique ne sert pas la communication comme le langage quotidien, mais le langage lui-même. Si la littérature peut et même doit être engagée, la poésie au contraire, parce qu'elle n'a aucune vocation utilitaire, ne doit pas être engagée.

vendredi 12 mai 2017

"La fonction primitive du langage est d'établir une communication en vue d'une coopération"


Commentaires

La pensée et le mouvant (1934) est un recueil d'articles du philosophe Henri Bergson (1859-1941) écrits entre 1903 et 1923. Il comprend deux essais introductifs rédigés spécialement à cette occasion et qui occupent, à eux-seuls, le tiers du volume : le premier s'intitule "Connaissance de la vérité". Il constitue une critique du recours au système en philosophie qui aurait pour défaut principal de négliger la question du temps. Le second qui s'intitule "De la position des problèmes" compare les modes de connaissance intuitif et intellectuel, tous deux valables, et ouvre donc la voie à une collaboration entre la métaphysique et la science.

Le texte ci-dessous est extrait du second essai introductif. Peu avant, Bergson a défini l'intelligence comme "la manière humaine de penser" et expliqué que celle-ci avait pour but la connaissance de la matière. Il l'a distinguée de ce qu'il appelle l'intuition, autre fonction intellectuelle, mais qui a pour but la connaissance de l'esprit. Si l'intelligence relève de la science, l'intuition est propre à la métaphysique. Entre les deux, on trouve la science de la vie sociale (sociologie) et de la vie organique (biologie), la première plus intuitive et la seconde plus intellectuelle, mais chacune marquée par le souci de la précision. Toutes ces disciplines recourent au langage, outil qui pour fonction essentielle d'assurer la vie sociale. Mais peut-il être un moyen approprié pour la philosophie et pour les sciences ?

jeudi 11 mai 2017

"Les premières langues sont filles du plaisir et non du besoin"

Commentaire

Sous-titré Où il est parlé de la Mélodie et de l’imitation musicale, l’Essai sur l’origine des langues (1781) est un texte posthume de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) qui peut se lire comme un complément au Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) de l’aveu même de son auteur et parce qu’on y lit une réflexion à la fois sur la musique et sur les fondements de la société. L’argument central de cet essai est que les premières langues furent l’expression des passions. En comparant la langue grecque ancienne d’Homère à la prosodie moderne, Rousseau estime qu’il s’est produit une perte de vocalité de la langue remplacée par l’articulation liée à la dimension de l'écriture, ou pour le dire plus simplement : la langue de la raison (le français) a remplacé la langue du cœur (le grec).

Dans le chapitre IX dont est extrait le texte ci-dessous, Rousseau s'applique avec un certain lyrisme à expliciter la différence des langues entre le Nord et le Sud : les langues méridionales sont nées des passions et s’opposent aux langues du Nord, nées des besoins. Or les langues méridionales sont nées les premières, en lien avec les passions, et disposent pour cette raison d’une musicalité et d’une chaleur indéniable. Malheureusement regrette Rousseau, ce sont les langues du Nord qui semblent désormais l’emporter.

mercredi 10 mai 2017

"La parole ne convient qu'à l'homme seul"

Commentaire

Dans sa Lettre au marquis de Newcastle datée du 26 novembre 1646, René Descartes (1596-1650) affirme qu'il existe une différence de nature entre l'homme et l'animal. Il s'oppose ainsi frontalement à Montaigne et à certains autres philosophes qui attribuent la pensée aux animaux. En lien avec sa thèse des animaux-machines (exposée en 1637 dans le Discours de la méthode, V) selon laquelle les animaux sont des automates, de simples assemblages mécaniques, il estime qu'ils sont dépourvus de langage et de pensée.

Montaigne (1533-1592), dans ses Essais (II, 12, "Apologie de Raymond Sebond"), condamne la présomption et l'orgueil de l'humanité qui se place au-dessus du règne animal. Il prend une certaine distance avec la tendance consistant à attribuer aux bêtes la bêtise et se demande même si lorsqu'il joue avec sa chatte, celle-ci ne s'ennuie pas plus rapidement de lui, que lui d'elle. Il observe également que les animaux sont capables de communiquer entre eux, ce qui tendrait à infirmer l'idée qu'ils n'auraient pas de langage. Pierre Charon (1541-1603), moraliste français, transposa les Essais de Montaigne dans son Traité de la Sagesse. Comme lui, il pense qu'il existe une différence de degré entre l'homme et l'animal. Plutarque (45-120) est à ranger parmi les "quelques autres" qui sont de l'avis de Montaigne et de Charron, c'est lui qui écrit en effet le premier qu'"il y a plus de différence de tel homme à tel homme qu’il n’y a de tel homme à telle bête" (De l'inégalité qui est entre nous).

"J'appelle pensée un discours que l'âme se tient à elle-même"

Commentaire


Le Théétète (368 av. J.-C.) est un dialogue de Platon (428-348) de la période dite de maturité. Les principaux protagonistes sont Socrate ainsi que deux mathématiciens : Théodore et Théétète qui donne son nom au dialogue. Le sous-titre du dialogue est Sur la science. Il s'ouvre sur la critique du relativisme sensualiste qui se résume par l'affirmation de Protagoras selon laquelle l'homme serait la mesure de toute chose, ce qui revient selon Socrate à donner à chacun le droit de la déclarer fausse.

Le texte ci-dessous se trouve à la suite de l'examen d'une première définition de la science. Socrate vient de conclure avec Théodore que la science est autre chose que la sensation. Il envisage donc qu'elle soit du côté de l'âme et, plus précisément, le fruit d'une opération de l'esprit qui s'appelle le jugement. Mais la science ne peut pas se confondre avec tous les jugements puisqu'il existe des jugements faux. Socrate entreprend donc de déterminer comment peuvent se former dans l'âme de faux jugements. C'est alors qu'il analyse le problème du point de vue de la pensée en examinant s'il est possible pour un sujet qui pense de se dire à soi-même qu'une chose est une autre.

lundi 8 mai 2017

Cours - L'existence et le temps


Introduction

L'existence et le temps sont deux notions qui entretiennent un rapport de sens. L'existence désigne le fait d'être et le temps correspond au milieu dans lequel l'existence se déroule. Ce temps de l'existence est marqué par un début, la naissance, et une fin, la mort. L'existence se confond ainsi avec la vie elle-même. Elle interroge par voie de conséquence notre relation à la mort, qui peut être une source légitime d'inquiétudes et d'angoisses, voire engendrer de véritable crises "existentielles", c'est-à-dire une remise en cause de ce qu'on croyait être le sens de l'existence. 

Mais le temps peut aussi être appréhendé comme une notion indépendante de l'existence humaine. Il est alors ce temps divisé en heures, minutes, secondes, un temps chronométré et objectif qui règle nos vies (heure du lever, du coucher). Son écoulement est irréversible, les voyages dans le passé ou dans le futur, outre les difficultés logiques qu'ils posent (qu'advient-il du présent si l'on change le passé ?) semblent possibles seulement dans les films ou les romans. Le temps présente aussi une dimension insaisissable, le présent n'étant finalement jamais fixe, davantage à imaginer comme un écoulement permanent, nous n'aurions le choix que de vivre dans l'avenir ou dans le passé. 

dimanche 7 mai 2017

"L'existence n'est pas la nécessité"

Commentaire

Dans La Nausée (1938), Jean-Paul Sartre (1905-1980) raconte l'histoire d'un professeur de province de trente-cinq ans, Antoine Roquentin, qui vit seul à Bouville, cité imaginaire ressemblant au Havre où Sartre avait enseigné au début de sa carrière. Il travaille à l'écriture d'une thèse ayant pour sujet un certain marquis de Rollebon. En ramassant un galet au bord de la plage, Roquentin s'aperçoit que sa perception des objets a changé et il commence à tenir un journal, écrit à la première personne, constituant le texte du roman afin de comprendre l'origine de ce changement.

Le texte ci-dessous est relatif à l'expérience de l'existence faite par le héros et qu'il exprime comme une "Nausée". Si la nausée est communément définie comme une envie de vomir, elle renvoie étymologiquement à la sensation de malaise que ressent le marin sur un bateau qui tangue (nausea en latin désigne le "mal de mer" et le "navire" en grec se dit naus). Elle exprime également un sentiment de dégoût que l'on peut éprouver à l'égard de soi-même et des autres. Ces différentes acceptions se retrouvent dans l'expérience de la Nausée réalisée par le jeune doctorant. Elle désigne plus spécifiquement chez Sartre la compréhension par l'homme du caractère contingent de chaque chose : tout ce qui existe aurait pu ne pas être. En saisissant que rien n'est nécessaire, y compris son existence propre, le héros est pris d'une forme d'écoeurement face à une existence que plus rien ne justifie.

samedi 6 mai 2017

"La durée toute pure est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre"

Commentaire

L'Essai sur les données immédiates de la conscience (1889) constitue la thèse de doctorat du philosophe Henri Bergson (1859-1941). Son propos consiste à mettre en garde contre la tendance de l'esprit à penser dans l'espace. Or, si cette tendance est utile dans la vie pratique et dans les sciences, elle l'est moins lorsqu'il s'agit d'appréhender des phénomènes qui n'occupent pas d'espace comme par exemple les phénomènes psychiques. Nous appréhendons en effet l'espace extérieur en réalisant un découpage dans le réel : nous distinguons les objets matériels et nous leur assignons un nom précis. Mais est-ce que cette manière de voir est encore valable lorsque nous essayons d'appréhender une réalité immatérielle comme le temps ?

Le passage ci-dessous est extrait du chapitre II intitulé "De la multiplicité des états de conscience : l'idée de durée". Il constitue un passage clé au sens où il présente la définition du concept de durée. Bergson, en effet, critique la conception de l'école anglaise qui consiste à rabattre tous les rapports d'étendue à des rapports de succession dans la durée. C'est pourquoi il distingue deux types de durée : la durée où intervient la notion d'espace, comprise comme succession et la durée qu'il juge "toute pure", c'est-à-dire indépendante de la notion d'espace, comprise donc comme simultanéité.

mercredi 3 mai 2017

"Cette vie, il te faudra la vivre encore une fois"

Commentaire

Le Gai Savoir (1882) est une oeuvre de Friedrich Nietzsche (1844-1900) composée initialement de quatre livres auxquels Nietzsche a ajouté une Préface et un cinquième livre à l'occasion d'une seconde édition en 1887. Nietzsche se fait le défenseur d'une science libérée de toute croyance allant à l'encontre de la vie et affirme la possibilité d'un "gai savoir" au service de la vie. Il annonce "la mort de Dieu" (III, § 125) qui signifie la disparition de l'influence structurante de la religion chrétienne sur notre manière de penser. Il cherche à mettre en place de nouvelles valeurs et c'est dans cet optique que la doctrine de l'éternel retour va lui servir d'instrument.

Le texte ci-dessous constitue le paragraphe 341 (IV) du Gai Savoir consacré à cette doctrine de l'éternel retour. Dans le paragraphe qui précède (§ 340), Nietzsche revient sur les dernières paroles de Socrate avant sa mort : "Oh, Criton, je dois un coq à Asclépios" (le dieu de la médecine dans la mythologie grecque). Nietzsche interprète ces mots comme l'aveu d'une conception de la vie qu'il condamne et qui consisterait à la voir comme une maladie. Nietzsche appelle ainsi de ses voeux un dépassement non seulement du christianisme, mais des Grecs eux-mêmes au sens où Socrate, ayant pourtant vécu gaiement se serait contenter de faire bonne figure. La doctrine de l'éternel retour se veut une façon de réaliser ce dépassement et d'aimer la vie pour ce qu'elle est, sans crainte ni ressentiment.