dimanche 29 avril 2018
"La culture, mot et concept, est d'origine romaine"
dimanche 22 avril 2018
"La culture de l'âme, c'est la philosophie"
mercredi 13 avril 2016
"L'inconscient est une méprise sur le Moi, c'est une idolâtrie du corps"
lundi 4 avril 2016
"La religion est l'opium du peuple"
lundi 28 mars 2016
"Représente-toi des hommes dans une caverne"
jeudi 17 mars 2016
"Tant que j'en serai capable, soyez sûrs que je ne cesserai de philosopher"
samedi 1 juin 2013
"Connais-toi toi-même"
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Le Faux Miroir (1928), Magritte. |
lundi 12 octobre 2009
Le philosophe ignorant de Voltaire

« Qui es-tu ? D'où viens-tu ? Que fais-tu ? » (p. 29) se demande Voltaire (alors âgé de 72 ans) au début de son livre : « un faible animal » (p. 30) répond-t-il un doute plus loin. La faiblesse consiste à naître sans force ni connaissance. Mais il n'y a pas lieu de désespérer : si la faiblesse est le fond de ce que nous sommes, encore nous est-il possible de connaître pourvue que l'on se mette toujours en quête de la vérité. Le sceptique voltairien est tout sauf un pessimiste découragé : « malgré ce désespoir, je ne laisse pas de désirer d'être instruit, et ma curiosité trompée est toujours insatiable » (p. 33).
Contre les illusions, Voltaire en appelle à l'expérience. Dans leurs déductions imaginaires, les philosophes se perdent parfois dans des considérations vaines qui sont d'un « prodigieux ridicule » (p. 34). Voltaire défend la séparation des considérations religieuses et des réflexions philosophiques au nom de ce point de départ de l'expérience. Pourtant à maintes reprises, il s'affirme déiste : « j'admets cette intelligence suprême, sans craindre que jamais on puisse me faire changer d'opinion », mais c'est à partir d'une considération liée à l'expérience : « rien n'ébranle en moi cet axiome, tout ouvrage démontre l'ouvrier » (p. 51). Il affirme même que cette intelligence doit être éternelle. Mais il n'ira pas plus loin, renonçant à dire si elle est infinie ou non : « cette intelligence est-elle infinie en puissance et en immensité, comme est incontestablement infinie en durée ? Je n'en puis rien savoir par moi-même » (p. 53).
Voltaire n'est pas un anti métaphysicien radical. S'il se moque de Pangloss dans Candide, celui qui enseigne la « métaphysico-théologo-cosmolonigologie » (p. 80), la nigologie - néologisme qui désigne la science des nigauds - c'est parce qu'il débite des discours abscons sur les fins dernières qui lui font perdre le sens commun. « Pangloss avouait qu'il avait toujours horriblement souffert ; mais ayant soutenu une fois que tout allait à merveille, il le soutenait toujours, et n'en croyait rien » (p. 257). Dans Candide, la philosophie leibnizienne et sa thèse optimiste du meilleur des mondes possibles est raillée à travers le personnage de Pangloss : il suffit de regarder autour de soi et de constater les malheurs du monde pour s'apercevoir de l'inconséquence d'une théorie aussi audacieuse que délirante. L'évidence empiriste parle d'elle-même, pourquoi vouloir nier ce que le bon sens nous amène à penser ?
Certes le bon sens seul ne suffit pas à la critique. La source du sens critique se dégage dans un doute suivi d'une analyse de l'expérience par la raison. Mais en spéculant sur le monde, les philosophes se perdent dans leurs idées et conçoivent des systèmes qui n'ont pas prise sur la réalité. « Depuis Thalès jusqu'aux professeurs de nos universités, et jusqu'aux plus chimériques raisonneurs, et jusqu'à leurs plagiaires, aucun philosophe n'a influé seulement les mœurs de la rue où il demeurait. Pourquoi ? Parce que les hommes se conduisent par la coutume et non par la métaphysique » (p. 69). Par conséquent, tout philosophe imbu de son savoir est menacé par le délire et la contingence de sa pensée. Pour se préserver de se risque, il doit garder à l'esprit que « ce qui ne peut être d'un usage universel, ce qui n'est pas à la portée du commun des hommes, ce qui n'est pas entendu par ceux qui ont le plus exercé leur faculté de penser, n'est pas nécessaire au genre humain » (p. 72). Voltaire fait ainsi d'une certaine forme d'ignorance, la meilleure assurance de la vérité.
jeudi 28 mai 2009
La communauté des ébranlés de Jan Patočka

La communauté des ébranlés est la communauté des gens qui vivent dans le souci de la réalité et de la vie en la société. Elle est inséparable d'une modalité de l'existence tournée vers autrui, ce que l'on nomme en philosophie l'être-avec. En d'autres termes, il s'agit d'une manière de se penser comme existant dans un monde commun dont le sens n'est pas évident, et de faire de cette non-évidence, le socle d'une société nouvelle, ouverte à l'universel à partir d'un ébranlement de la différence.
Sous un autre angle, la communauté des ébranlés est une manière de s'affronter à la réalité sans nier son caractère profondément subjectif et incertain. Il ne s'agit pas d'une communauté religieuse, ni d'une communauté refermée sur elle-même, sur ses propres particularités, sur le mode communautariste. La communauté des ébranlés est une communauté qui repose sur un sentiment philosophique de l'ébranlement.
L'ébranlement en philosophie est une expérience vécue par Platon au contact de son maître Socrate. Socrate en effet, ébranle les fausses certitudes en tournant la réflexion de son interlocuteur vers la recherche de la vérité. La protreptique est le nom de ce mouvement par lequel un homme qui croit savoir, finit par comprendre qu'il ne fait qu'opiner, et donc comprend qu'il doit redoubler d'effort pour parvenir à la vérité. Dans l'ébranlement, Socrate laisse entrevoir la vérité, c'est-à-dire l'être, non pas comme quelque chose que l'on peut posséder, mais comme un comportement qui est celui de sa recherche.
Si l'on transfert maintenant cette idée d'ébranlement à la politique et à la société, une communauté des ébranlés est une communauté habitée par un sentiment que le vrai en politique ne réside pas dans des valeurs ou des savoirs, mais dans l'expérience de l'être-avec, dans sa recherche renouvelée. De même que la philosophie est l'amour des savoirs et non pas savoir, la politique selon Patočka est un amour des communautés dont le sens s'est ébranlé et est donc à reconstruire.
Cet ébranlement est un dépassement. Il est ce qui dans la communauté communautaire renvoie à ses limites, à ce qu'elle n'explique pas ou ce qu'elle comprend mal. La communauté des ébranlés est la communauté permettant le dialogue entre toutes les communautés en ce que celles-ci peuvent y voir leur propre limite et prendre conscience de leur finitude. Elle est un amour de l'être-avec, une communauté davantage soucieuse de la souffrance humaine plutôt que de l'abstraction ou des particularismes.