samedi 1 juin 2013

"Connais-toi toi-même"

Le Faux Miroir (1928),
Magritte.
"Connais-toi toi-même" est une phrase que Platon reprend à son maître Socrate. Mais ce dernier n'en est pas le véritable auteur : à l'origine, il s'agit d'une inscription du temple de Delphes. C'est une phrase classique de la philosophie, qui peut d'ailleurs aussi en être une définition, en tout cas pour Socrate. La dialectique, cette entreprise de connaissance reposant sur le dialogue de l'âme avec elle-même, se trouve toute entière exprimée dans cette exigence de se connaître par soi-même. 

La connaissance de soi par soi-même nécessite une introspection, c'est-à-dire de porter un regard (latin : specto) à l'intérieur de soi (intra). Ce regard consiste en réalité en un dialogue avec soi-même, ce qu'on appelle plus communément la réflexion : l'idée que notre conscience se pense elle-même, qu'elle se représente ses idées intérieurement et qu'elle les discute, les compare, les critique. 

Cette phrase prend ici la forme d'un commandement : il s'agit bien d'un devoir, comme s'il fallait, à tout homme qui se veut être véritablement homme, entreprendre de se connaître. Seulement, cette connaissance de soi se distingue du sens que nous lui donnons aujourd'hui, influencés que nous sommes par l'analyse psychanalytique. Ce n'est pas l'individu qu'il faut connaître, mais bien ce qui fait de nous un homme en tant qu'homme. C'est cette quête qui va distinguer l'homme de l'animal : la conscience, en tant que capacité de mettre les choses à distance, de les penser,  est ce qui permet à l'homme d'agir, non pas seulement avec passion, mais aussi et surtout en raisonnant, et par la même occasion, d'agir en être libre contrairement à l'animal qui agit d'abord par instinct.

L'entreprise philosophique initiée par Socrate n'est rien d'autre qu'une quête de soi : se connaître soi-même pour être véritablement homme. Mais il ne s'agit pas pour autant de mettre de côté les passions : l'âme, selon l'image célèbre qu'en donne Platon dans le Phèdre, peut être symbolisé par un char tiré par deux chevaux, l'un est bon et obéissant, l'autre rétif et rebelle, d'où l'enjeu pour le conducteur - c'est-à-dire la raison - de diriger son attelage en prenant soin de ménager ses deux montures.  

Dans une autre oeuvre, Alcibiade, Platon explique par l'intermédiaire de Socrate que la connaissance de soi ressemble à cette image de l'oeil qui ne se voit pas voir, et qui a besoin d'un miroir - de la réflexion - pour se voir voir. Ainsi, la pensée doit être cultivée pour elle-même car elle est ce qu'il y a de divin en l'homme, vision de la vision et principe du principe. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire