mercredi 21 février 2018

"L'expérience : c'est là le fondement de toutes nos connaissances"


Commentaire

L'Essai philosophique concernant l'entendement humain (1690) a été rédigé par le philosophe anglais John Locke (1632-1704). Cet ouvrage, composé de quatre livres, vise à établir quelle est l'origine des idées et des connaissances humaines. Pour Locke, qui est un philosophe empiriste, tout le savoir humain découle de l'expérience et de l'expérience seule. A la naissance, l'âme d'un enfant est complètement vide. Locke s'oppose ainsi aux rationalistes tels que Descartes qui considèrent que notre connaissance vient d'une capacité de la raison à saisir certaines idées indépendamment de toute expérience. 

Le texte ci-dessous est extrait du livre II consacré aux idées et, plus précisément, de son premier chapitre qui s'intéresse à leur origine. Dans le livre I ("Des notions innées"), Locke s'en prend notamment à la théorie cartésienne des idées innées. Dans les Méditations métaphysiques (III), Descartes distingue trois sortes d'idées : les idées adventices (venues du dehors), les idées factices (liées à l'imagination) et les idées innées (mises en nous par Dieu, par exemple, les idées mathématiques). Pour contrer l'innéisme cartésien, Locke évoque l'absence de telles idées chez les enfants et chez les idiots. S'il n'existe pas d'idées innées, d'où viennent les idées que nous formons ?

"Notre plus grande ressource [...] est l'étroite alliance de ces deux facultés : l'expérimentale et la rationnelle"


Commentaire

Le Novum Organum ou Nouvelle Logique (1620) est un ouvrage du philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626). A l'origine, il prend place dans un système plus ambitieux mais inachevé qui se nomme Instauratio Magna (La Grande Restauration des sciences) et dont l'objet est de constituer une somme de connaissances tout en assurant la promotion d'une nouvelle méthode dans la découverte de savoirs. Francis Bacon cherche en effet à rompre avec une partie de la tradition aristotélicienne et à remettre l'expérience au centre des préoccupations des scientifiques.

Le texte ci-dessous est extrait du premier livre du Novum Organum et constitue l'aphorisme n° 95. Francis Bacon constate qu'à la différence des arts mécaniques qui se perfectionnent, la philosophie semble stagner, les auteurs se recopiant les uns les autres sans innover dans leur démarche. Pour cette raison, il préconise une nouvelle méthode qui consiste non plus à séparer, mais à unir la méthode empirique (c'est-à-dire celle qui fait procéder les connaissances de l'expérience) et la méthode rationnelle (celle qui tire les connaissances de l'intellect). L'objectif est de permettre de nouveaux progrès dans la recherche scientifique.

mardi 20 février 2018

Cours - L'interprétation

Introduction

Le terme d'interprétation vient du latin interpretatio qui peut signifier "compréhension" ou "traduction". Interpréter, cela consiste à rendre clair ce qui ne l'était pas au premier abord, à révéler un sens qui était dissimulé. Ainsi, un interprète apparaît comme un médiateur ou un traducteur : il aide son auditoire à comprendre une œuvre en fournissant un ensemble d'informations permettant, par exemple, de mieux appréhender sa situation historique, le courant auquel elle se rattache, etc. En ce sens, l'interprétation aurait pour objectif de tendre vers l'objectivité, d'expliquer l'œuvre dans sa vérité, unique et absolue. 

Cependant, nous avons toujours tendance à relativiser la notion d'interprétation, comme si elle était, par essence, multiple. On dit par exemple : "ce n'est qu'une interprétation" ou encore "il y a plusieurs interprétations possibles". En effet, lorsque nous cherchons à comprendre les événements de notre vie, nous leur donnons du sens, mais ce sens nous est propre, subjectif, correspondant à notre vision du monde. Il y aurait donc deux acceptions possibles de l'interprétation : une première portant sur l'activité de l'interprète qui proposerait, au moyen de connaissances, de redonner son sens à une œuvre, et une seconde, renvoyant à notre interprétation du monde, forcément plurielle et marquée par notre subjectivité.

lundi 12 février 2018

"Comprendre un texte, c’est tou­jours se l’appliquer à soi-même"

Commentaire

Vérité et Méthode (1960) est un ouvrage de Hans Georg Gadamer (1900-2002) dont le sous-titre est Les grandes lignes d'une herméneutique philosophique. Gadamer propose en effet une herméneutique - art d'interpréter les textes - qui n'est pas une méthode parmi d'autres, mais qui, en amont, se rattache à toute tentative de compréhension, que celle-ci soit scientifique, artistique ou philosophique. Il existe donc un domaine de la vérité qui excède celle définie par la méthode, cet ensemble de règles qui vise justement à découvrir la vérité, c'est ce que Gadamer nomme l'expérience de vérité que nous faisons dans l'art, dans les sciences de l'esprit - et plus précisément l'histoire - et dans le langage. Dans ces trois domaines qui correspondent aux trois parties du livre, la vérité ne correspond pas à la définition qu'en donnent les sciences naturelles, elle échappe donc en partie à la méthode. 

Le texte ci-dessous est extrait de la troisième et dernière partie de l'ouvrage intitulée "Tournant ontologique pris par l'herméneutique sous la conduite du langage". Gadamer estime que notre accès à l'être ne peut passer que par le langage, ce qui signifie que comprendre revient à traduire le réel en langage. Cette idée fondamentale implique qu'il n'existe pas de compréhension indépendamment d'un langage. Cela a pour conséquence également que notre accès à l'être dépend de notre époque, nous sommes pris dans l'histoire laquelle détermine, comme le fait notre langage, notre compréhension du réel. L'herméneutique n'est donc pas qu'une méthode pour découvrir la vérité, mais elle devient, sous la plume de Gadamer, la condition de possibilité de toute compréhension du monde, laquelle caractérise notre être dans ce qu'il a de plus essentiel : nous sommes en tant qu'humain des êtres comprenants.