dimanche 24 mai 2009

Quelle éthique pour la politique ? Petit détour par Max Weber

L'éthique en politique peut avoir un rôle extrêmement fâcheux. Comme l'énonce Max Weber dans Le Savant et le Politique, une éthique en politique doit tenir compte du fait que toute politique recourt à l'usage de la « violence légitime ». Le moyen spécifique de la politique reste la force. Il est donc important de considérer la « responsabilité devant l'avenir », tout le reste dénote une absence de dignité et se paiera un jour ou l'autre. La question ici est bien le moyen, car sur les fins, tous les adversaires revendiquent avec la même sincérité subjective, la noblesse de leurs intentions ultimes.

Selon Max Weber, toute activité orientée selon l'éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées : l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité.

  • L'éthique de conviction empêche toute discussion et attribue les conséquences fâcheuses d'un acte au monde ou à la sottise des hommes, et non à la responsabilité de l'agent. Son partisan ne peut supporter l'irrationalité éthique du monde. Il est un « rationaliste » cosmo-éthique, il croit en l'universalité de ses principes moraux. C'est par exemple le chrétien qui fait son devoir, mais qui, en ce qui concerne les conséquences, s'en remet à Dieu.
  • L'éthique de responsabilité quant à elle désigne celui qui va compter avec les défaillances communes de l'homme et qui va estimer ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu'il aura pu les prévoir. Par exemple, nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes.

Aucune éthique au monde ne peut négliger que pour atteindre des fins « bonnes », nous sommes la plupart du temps obligés de compter avec, d'une part des moyens moralement malhonnêtes, et d'autre part l'éventualité de conséquences fâcheuses. Le problème de l'irrationalité du monde a été la force motrice du développement de toutes les religions. Le bien n'engendre pas toujours le bien : l'on constate bien plutôt le phénomène inverse. A toute révolution enthousiaste succède la routine quotidienne, la foi inévitablement retombe car elle est récupérée par les techniciens de la politique et justifie leur domination. C'est pourquoi les partisans victorieux d'un chef combattant pour ses convictions dégénèrent en une masse de vulgaires salariés.

En conclusion, selon Max Weber, celui qui veut faire de la politique sa vocation doit prendre conscience des paradoxes éthiques et de sa responsabilité à l'égard de ce qu'il peut lui-même devenir sous leur pression. Il ne doit pas s'effondrer si le monde, jugé de son point de vue, est trop stupide pour mériter ce qu'il prétend lui offrir. Celui qui veut le salut de son âme ou sauver celles des autres doit éviter les chemins de la politique qui « par vocation », cherche à accomplir d'autres tâches très différentes et dont on ne peut venir à bout que par la violence. Si l'on cherche à atteindre ces objectifs au cours d'un combat idéologique guidé par une éthique de conviction, il peut en résulter de grands dommage parce qu'il y manque la responsabilité des conséquences. Ce n'est pas l'âme qui importe mais la souveraine compétence du regard qui sait voir les réalités de la vie sans fard ; et ensuite, la force d'âme qui est capable de les supporter et de se sauver avec elles. On ne peut prescrire à personne d'agir selon l'éthique de conviction ou de responsabilité, pas plus qu'on ne peut lui indiquer à quel moment il faut suivre l'une ou l'autre. L'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité ne sont donc pas contradictoires, elles se complètent l'une l'autre et constituent ensembles un homme qui peut prétendre à la vocation politique : « la politique consiste en un effort tenace et énergique pour tarauder des planches de bois durs » écrit Max Weber. On aurait jamais pu atteindre le possible si dans le monde on ne s'était pas toujours et sans cesse attaqué à l'impossible.

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