Le Monde de l'Esprit (1926) ou, en allemand, Die geistige Welt est un recueil de différents essais que l'on doit à Wilhelm Dilthey (1833-1911). Tous ces essais sont consacrés au fondement de ce qu'il appelle les "sciences de l'esprit" qui correspondent aujourd'hui aux sciences humaines telles que la sociologie, la psychologie, l'histoire ou encore la géographie. Dilthey est à l'origine de la distinction entre sciences humaines et sciences naturelles. Alors que les sciences humaines sont fondées sur une méthode compréhensive, les sciences naturelles reposent sur une méthode explicative. Il s'oppose en cela à Auguste Comte qui considère qu'il existe une continuité de méthode entre la connaissance de l'homme et celle de la nature.
Le texte ci-dessous est extrait de l'essai qui s'intitule "Idées concernant une psychologie descriptive et analytique". Dilthey s'interroge sur la possibilité de mettre en place une psychologie qu'il appelle "descriptive et analytique" au sens où celle-ci procéderait différemment de la psychologie explicative de son époque qui, à la manière des sciences de la nature, fonde l'intelligence de la vie psychique sur une série d'hypothèses. Or cette méthode est inapte pour penser la psychologie humaine car celle-ci est prise dans une culture. C'est pourquoi, la psychologie en laquelle il croie affirme, au contraire, la prééminence du tout de la vie psychique sur les hypothèses qui sont ensuite posées par le chercheur. Ce tout de la vie psychique fonctionne comme une donnée primitive et fondamentale qu'il est impossible d'écarter.
Le texte ci-dessous est extrait de l'essai qui s'intitule "Idées concernant une psychologie descriptive et analytique". Dilthey s'interroge sur la possibilité de mettre en place une psychologie qu'il appelle "descriptive et analytique" au sens où celle-ci procéderait différemment de la psychologie explicative de son époque qui, à la manière des sciences de la nature, fonde l'intelligence de la vie psychique sur une série d'hypothèses. Or cette méthode est inapte pour penser la psychologie humaine car celle-ci est prise dans une culture. C'est pourquoi, la psychologie en laquelle il croie affirme, au contraire, la prééminence du tout de la vie psychique sur les hypothèses qui sont ensuite posées par le chercheur. Ce tout de la vie psychique fonctionne comme une donnée primitive et fondamentale qu'il est impossible d'écarter.
Pour Dilthey, "les sciences de l'esprit ont le droit de déterminer elles-mêmes leurs méthodes en fonction de leur objet". En effet, les sciences de l'esprit ont tendance à vivre sous la domination des sciences de la nature, qui apparaissent comme un modèle de scientificité. Cependant, cette vision fait abstraction de la particularité de l'objet propre aux sciences de l'esprit. Il faut donc réfléchir à la constitution d'une méthode propre à ces sciences. Ce n'est qu'en inventant une méthode correspondant à l'objet étudié que l'on peut révolutionner sa discipline : "ce n'est pas en transposant dans notre domaine les méthodes trouvées par les grands savant que nous nous montrons les vrais disciples, mais en adaptant notre recherche à la nature de ses objets".
A partir de cette attention à l'objet des sciences, Dilthey remarque que les phénomènes spirituels ne se présentent pas de la même façon à la conscience que les phénomènes naturels. La nature reste extérieure à la conscience alors que l'esprit est une donnée fondamentale de toute conscience. Si la nature peut être segmentée, ce n'est pas le cas de la vie psychique qui se donne comme un "ensemble". Alors que les sciences physiques reconstruisent un ensemble cohérent au moyen de raisonnements et d'une combinaison d'hypothèses, les sciences de l'esprit doivent s'intéresser au tout de la vie psychique. Dans les sciences de l'esprit, il n'est pas possible de décomposer le réel, de le manipuler, de faire des expériences sur lui. Il se donne en entier, tel qu'il est perçu par une conscience.
Cette différence d'objet implique donc une différence de méthode : "la nature, nous l'expliquons ; la vie de l'âme, nous la comprenons". Comprendre (la vie psychique) et expliquer (la nature) sont deux modes de connaissance distincts :
Cette différence d'objet implique donc une différence de méthode : "la nature, nous l'expliquons ; la vie de l'âme, nous la comprenons". Comprendre (la vie psychique) et expliquer (la nature) sont deux modes de connaissance distincts :
- la compréhension : elle est un mode de connaissance procédant par intuition et vise à saisir une signification ; l'interprétation joue un rôle clé dans la mesure où l'enjeu consiste à donner un sens à une observation ;
- l'explication : elle est un mode de connaissance établissant des relations objectives existant entre certains phénomènes ; la déduction joue un rôle analogue à l'interprétation dans la mesure où elle avance par un enchaînement rigoureux de causes et de conséquences.
Comme le souligne Dilthey, "les méthodes au moyen desquelles nous étudions la vie mentale, l'histoire et la société sont très différentes de celles qui ont conduit à la connaissance de la nature". Les sciences de la nature expliquent l'enchaînement nécessaire des phénomènes naturels selon la loi de causalité, alors que les sciences humaines comprennent les actions humaines en cherchant à saisir les motivations subjectives, conscientes ou inconscientes, qui guident les individus. Cependant, les sciences humaines ne sont pas moins scientifiques ou rigoureuses que les sciences de la nature. Elles adaptent simplement leurs méthodes à leur objet - l'homme - qui est un être libre, contrairement aux phénomènes naturels qui sont eux, déterminés par des lois.
Texte
"Les sciences de l’esprit (Geisteswissenschaften) ont le droit de déterminer elles-mêmes leur méthode en fonction de leur objet. Ces sciences doivent partir des concepts les plus universels de la méthodologie, essayer de les appliquer à leurs objets particuliers et arriver ainsi à se constituer dans leur domaine propre des méthodes et des principes plus précis, tout comme ce fut le cas pour les sciences de la nature. Ce n’est pas en transportant dans notre domaine les méthodes trouvées par les grands savants que nous nous montrons leurs vrais disciples, mais en adaptant notre recherche à la nature de ses objets et en nous comportant ainsi envers notre science comme eux envers la leur. […]
Les sciences de l’esprit se distinguent tout d’abord des sciences de la nature en ce que celles-ci ont pour objet des faits qui se présentent à la conscience comme des phénomènes donnés isolément et de l’extérieur, tandis qu’ils se présentent à elles-mêmes de l’intérieur comme une réalité et un ensemble vivant originaliter [originairement]. Il en résulte qu’il n’existe d’ensemble cohérent de la nature dans les sciences physiques et naturelles que grâce à des raisonnements qui complètent les données de l’expérience au moyen d’une combinaison d’hypothèses. Dans les sciences de l’esprit, par contre, l’ensemble de la vie psychique constitue partout une donnée primitive et fondamentale. La nature, nous l'expliquons ; la vie de l'âme, nous la comprenons. [...]
Car les opérations d’acquisition, les différentes façons dont les fonctions, ces éléments particuliers de la vie mentale, se combinent en un tout, nous sont données aussi par l’expérience interne. L’ensemble vécu est ici la chose primitive ; la distinction des parties qui le composent ne vient qu’en second lieu. Il s’ensuit que les méthodes au moyen desquelles nous étudions la vie mentale, l’histoire et la société sont très différentes de celles qui ont conduit à la connaissance de la nature."
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