vendredi 10 novembre 2017

"Plus nous gagnons sur la jouissance, plus le bonheur s'éloigne de nous"

Commentaire

L'Emile ou De l'éducation (1762) est un traité sur l'éducation que l'on doit au philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Il est composé de cinq livres correspondant chacun à un âge de la vie : le nourrisson, l'âge de la nature (2 à 12 ans), l'âge de de la force (12 à 15 ans), la puberté (15 à 20 ans) et l'adulte. Rousseau défend l'idée d'une éducation négative, c'est-à-dire qui soit plus soucieuse de la protection de l'enfant contre le vice, plutôt que de l'instruction. Il estime qu'il vaut mieux ne rien faire et recommande de laisser agir la nature. L'éducation doit être faite par les choses plutôt que par les livres (afin que l'enfant s'aperçoive de la nécessité à l'oeuvre dans la nature). Elle doit éviter les punitions pour les remplacer par des sanctions naturelles (si l'enfant casse un carreau de sa chambre, on le laisse avoir froid). 


Le texte ci-dessous est extrait du deuxième livre intitulé "L'âge de nature". Auparavant, Rousseau a posé comme précepte moral que toute éducation se doit de considérer "l'homme dans l'homme, et l'enfant dans l'enfant". Il critique l'éducation barbare qui consiste à sacrifier le présent de l'enfant en vue d'un avenir incertain, de le considérer comme un esclave en lui promettant un bonheur futur, de lui imposer des devoirs qui ne lui serviront peut-être de rien. Il invite ainsi les éducateurs à faire preuve davantage d'humanité et d'aimer l'enfance pour elle-même car elle est une période rare où règnent le rire et l'insouciance. Il convient donc de ne pas traiter l'enfant comme un futur adulte, mais de considérer sa place en tant que telle. C'est ainsi que Rousseau en vient à se demander comment parvient-ton bonheur. 

mercredi 8 novembre 2017

"Il vaut mieux être moins gai et avoir plus de connaissance"

Commentaire

Les Lettres à Elisabeth (1643 à 1649) sont un ensemble épistolaire qui retrace les échanges de correspondance entre René Descartes (1596-1650) et Elisabeth, princesse palatine, fille aînée de Frédéric V et Elisabeth Stuart, brièvement, souverains de Bohême. Elles ont pour principal objet le thème de l'union de l'âme et du corps et peuvent donc être lues comme le pendant aux Passions de l'âme (1649). Elles portent également sur des questions morales, non sous la forme d'un exposé systématique, mais par une série de remarques étayées, souvent personnelles, soucieuses des nécessités de la vie et conformes aux idéaux de sagesse de l'époque. 

La Lettre à Elisabeth du 6 octobre 1645, dont est extrait le texte ci-dessous, traite plus particulièrement de la question du bonheur et de la vérité. La question que se pose Descartes est de savoir s'il est préférable d'être joyeux dans l'ignorance ou triste dans la connaissance. Sa réponse ici est que la connaissance est préférable (mais à l'article 142 des Passions de l'âme, il affirme l'inverse : "souvent une fausse joie vaut mieux qu'une tristesse dont la cause est vraie"). Pour démontrer sa thèse, il opère une série de distinctions, notamment entre le souverain bien et le plaisir qu'il apporte, les joies superficielles et celles qui sont profondes, le bonheur (qui dépend de la fortune) et la béatitude (qui dépend de notre libre arbitre). 

"Le bois dont l’homme est fait est si courbe qu’on ne peut rien y tailler de tout à fait droit"


Commentaire

L'Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784) est un article en neuf propositions d'Emmanuel Kant (1724-1804) qui cherche à déterminer si l'on peut entrevoir un fil conducteur à l'histoire humaine selon un plan déterminé de la nature. Pour Kant, c'est le cas : il estime que la nature ruse en oeuvrant selon un plan caché de manière à favoriser l'avènement d'une société des nations dont l'objectif sera de maintenir la paix entre les peuples. 

Le texte ci-dessous est extrait de la VIe proposition où Kant écrit que le dernier grand problème que l'homme résoudra est celui du moyen d'atteindre une société civile administrant le droit universellement, c'est-à-dire d'une manière qui soit égale pour tous. Il affirme que les hommes sont par nature ingouvernables. Etant naturellement poussés à suivre leurs penchants égoïstes, ils ont toujours tendance à rechercher des privilèges ou des moyens d'échapper à la loi. Pour régler ce problème, il faudrait instituer un maître. Problème : il n'existe pas de maître capable d'être à la fois homme et juste par lui-même. Néanmoins, le but de la nature reste le progrès infini de l'homme par le droit. 

"C'est dans les mots que nous pensons"

Commentaire

L'Encyclopédie des sciences philosophiques en abrégé (1817 pour la première édition, mais 1830 pour l'édition définitive) fournit au lecteur de Hegel (1770-1831) le fil conducteur de sa philosophie. Elle reprend, de façon synthétique, chaque étape de sa pensée qui se déploie en trois parties : la logique (être, essence, concept), la philosophie de la nature et la philosophie de l'esprit. L'ambition de Hegel est de faire de la philosophie une science au même titre que les sciences positives. Ainsi le déploiement de cette oeuvre se fait selon un ordre nécessaire et dans une volonté d'absolu, conformément à la fin que poursuit la science philosophique, qui progresse méthodiquement dans sa conquête du savoir. 

Le texte ci-dessous est extrait du troisième moment de cette encyclopédie, à savoir celui de la philosophie de l'esprit. Ce troisième moment constitue l'achèvement du système hégélien, c'est-à-dire à la fois sa fin, son terme et son accomplissement. C'est à la fin de ce troisième moment qu'il évoque l'idée que le langage est l'expression nécessaire de la pensée. Sa thèse est, en effet, que la pensée habite dans les mots, qu'elle ne peut pas s'exprimer ou s'objectiver en dehors du langage. Autrement dit, le langage n'est pas qu'un moyen (parmi de nombreux autres possibles) de la pensée, il est son seul support possible.

lundi 6 novembre 2017

Cours - L'histoire

Introduction

"Il était une fois". Ainsi commencent les histoires qui sont racontées aux enfants pour les endormir. Ces contes, qui ont pour objectif de distraire, de rassurer, parfois même d'éduquer, n'ont assurément pas le souci de la vérité, ni même celui de la vraisemblance. Pourtant, "histoire" vient du grec historia qui signifie "enquête" et l'histôr est "le témoin, celui qui a vu". Il semble donc que le lien entre la vérité et l'histoire soit beaucoup plus intime que ce que pourrait laisser penser son sens le plus large. Il est notable d'ailleurs que, bien souvent, les contes plongent leurs racines dans un passé légendaire ou mythologique, c'est-à-dire dans un univers certes fictif mais néanmoins possible.

En outre, l'histoire est cette discipline qui est enseignée à l'école. Chaque petit Français apprend au cours de sa scolarité, l'histoire de France : les grandes dates qui ont compté pour la constitution de cette nation, les grands héros historiques qui l'ont façonnée et la manière dont elle s'est progressivement construite pour devenir la République que l'on connaît aujourd'hui. Pour autant, cette histoire est souvent l'objet de critiques. Certains voient en elle un simple moyen d'édifier le peuple, de lui inculquer une conscience historique nationale, c'est-à-dire une façon propre de se rapporter à son passé collectif (on pense par exemple à l'expression typique du roman national : "nos ancêtres les Gaulois") et mettent en doute son caractère scientifique.

samedi 4 novembre 2017

"Nous attendons de l'historien une certaine qualité de subjectivité"

Commentaire

Histoire et vérité (1955) est un recueil rassemblant onze études du philosophe Paul Ricoeur (1913-2005). Ces études sont regroupées dans deux grandes parties : la première est consacrée à la vérité dans la connaissance de l'histoire et la seconde à la vérité dans l'action historique. La première est d'ordre méthodologique et la seconde éthique.  

Le texte ci-dessous se trouve au tout début de la première partie, dans la première étude intitulée "Objectivité et subjectivité en histoire". Ricoeur s'intéresse à l'exigence d'objectivité du métier d'historien et se demande si l'histoire peut se prêter à une connaissance en vérité selon les règles de la pensée objective mise en oeuvre dans les sciences. Pour répondre, il repère trois attendus à propos des sciences historiques : une certaine objectivité de l’histoire, la subjectivité impliquée de l'historien et le développement, chez le lecteur, d'une subjectivité de haut rang. Il pense ainsi l'histoire comme un tout comprenant la discipline scientifique elle-même, l'historien mais aussi le récepteur, à savoir le lecteur. 

vendredi 3 novembre 2017

"La plupart des erreurs viennent de ce que nous n'appliquons pas convenablement les noms des choses"

Commentaire

L'Ethique (1677) est l'ouvrage de Spinoza (1632-1677) le plus connu et le plus important. Ecrite selon l'ordre de démonstration propre aux géomètres, elle est composée de plusieurs définitions, axiomes, propositions et autres scolies qui sont des remarques complémentaires aux propositions. L'objectif de l'oeuvre est de permettre à l'homme de connaître les causes de sa servitude vis-à-vis des affects et d'en déduire les moyens de parvenir à la liberté et à la béatitude. Le cheminement de sa pensée prend Dieu comme point de départ (I : "De Dieu"), se poursuit par la définition de la nature de l'âme (II) puis de celle des passions (III), continue par l'analyse de leur force (IV) et s'achève sur la liberté (V).   

Le texte ci-dessous est un scolie de la Proposition 47 tirée de la Deuxième partie de l'Ethique : "De la nature et de l'origine de l'âme". Dans cette proposition, Spinoza affirme que l'homme peut avoir une connaissance adéquate de l'essence de Dieu. La seconde partie de son commentaire revient sur l'origine des erreurs et des controverses entre les hommes. Une grande partie des erreurs viendraient d'une mauvaise application des noms sur les choses, mais surtout d'un manque d'égard à la pensée d'autrui et aux erreurs d'interprétation qui en découlent. Contre ces erreurs, Spinoza en appelle à une attention plus grande aux choses et affirme l'unité de la pensée.