mercredi 26 avril 2017

"Nous ne nous tenons jamais au temps présent"

Commentaire

Les Pensées (1670) sont un recueil de fragments et d'aphorismes rassemblés de Blaise Pascal (1623-1662). Elles sont à l'origine destinées à fournir la matière d'un livre dont l'objet est une apologétique chrétienne, c'est-à-dire un écrit en faveur de la justification et de la défense de la religion chrétienne. L'un des thèmes chers à Pascal est celui du divertissement : l'homme ne supportant pas de demeurer seul face à lui-même, se livre à des occupations futiles afin de se détourner de sa condition mortelle et misérable. 

Le texte ci-dessous constitue le fragment 43 dans l'édition Le Guern. Il traite de la manière dont l'homme vit dans le temps. Selon Pascal, l'homme tend à oublier le moment qu'il vit au profit des moments dont il se rappelle ou de ceux qu'il entrevoit. Préoccupé du passé ou du futur, il ne coïncide jamais avec le moment présent. Cette absence de coïncidence est à mettre en relation avec la notion de divertissement mais aussi avec celle de vanité qui conduit l'homme à prétendre à davantage que ce qu'il possède, souvent pour son propre malheur. 

"Qu’est-ce que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre, je l’ignore"

Commentaire

Les Confessions (397-401) sont une oeuvre à vocation autobiographique écrite par Augustin d'Hippone, plus connu sous le nom de Saint Augustin (354-430). L'ouvrage comporte treize livres, les neuf premiers sont consacrés au récit de la vie d'Augustin de son enfance à sa conversion au catholicisme et les quatre derniers, plus philosophiques, s'offrent comme une réflexion sur la mémoire, le temps et, plus généralement, comme une méditation sur la création divine. 

Le texte ci-dessous est extrait du livre XI, chapitre XIV intitulé "Qu'est-ce que le temps ?". Le livre XI est consacré au rapport du temps et de la création divine. Augustin établit que Dieu a créé le temps et qu'il n'existe donc pas de temps avant lui, Dieu étant extérieur du temps. Ainsi la question consistant à demander ce que Dieu faisait avant le temps n'a pas de sens. Elle revient à rester prisonnier de l'instabilité du temps et de l'impossibilité pour un esprit humain de penser l'éternité de Dieu. Le temps passe, mais pas l'éternité où tout est présent et qui reste identique à elle-même.

jeudi 20 avril 2017

"La mort n'est rien pour nous"

Commentaire

La Lettre à Ménécée d'Epicure (341-270 av. J.-C.) se présente comme un guide pratique et thérapeutique à destination de ceux qui souhaiteraient savoir comment orienter leur conduite dans la vie et qui aimeraient trouver un remède aux fausses opinions de l'âme générant des peurs telles que celles de la mort. Epicure commence sa lettre en exposant les fondements de sa morale que l'on peut condenser en quatre formules et qui forment ensemble ce qu'on appelle le tetrapharmakos ou "quadruple remède" : les dieux ne sont pas à craindre, la mort n'est rien, le bonheur est possible, la douleur est aisée à supporter. 

Le texte ci-dessous se trouve au début de la Lettre. Il est question ici plus spécifiquement du deuxième remède, celui servant à lutter contre la crainte de la mort. Epicure montre comment il est possible de s'en débarrasser par un exercice de pensée qui suit une méthode rationnelle. Il s'appuie sur une doctrine physique matérialiste selon laquelle l'âme est corporelle et composée d'atomes. Par conséquent, l'âme ne survit pas après la mort du corps mais disparaît avec lui. 

Cours - Autrui

Introduction

Autrui renvoie tout d'abord à ce qui est extérieur à moi, à ce qui n'est pas moi, à ce qui est autre. En ce sens, il est ce qui est distinct, différent, voire étranger. Autrui peut apparaître comme une limite, un obstacle ou même une menace. En effet, la relation que l'on entretient avec cet autre peut devenir conflictuelle en ce qu'il s'oppose à nos propres désirs et résiste à notre volonté. On pourrait être tenté de conclure comme Garcin dans Huis clos  que "l'enfer, c'est les autres" (Sartre).

Cependant, autrui renvoie aussi à ce qui est comme moi, à ce qui m'est proche ("mon prochain"), à ce qui me ressemble ("mon semblable"), voire à un autre moi-même ("l'alter ego", "l'autre moi"). L'amitié et même l'amour sont des exemples d'une relation positive à autrui, allant parfois jusqu'à un rapport fusionnel. Ainsi, ceux qu'on désigne comme "les autres" ne sont jamais complètement extérieur à nous, ils sont perçus comme "autre" seulement parce qu'ils partagent quelque chose de commun. Il ne viendrait à l'idée de personne de considérer comme "autre", les animaux, les végétaux ou quelque genre que ce soit. Autrui ce n'est pas n'importe quoi ou n'importe qui.

mercredi 29 mars 2017

"Le lien avec autrui ne se noue que comme responsabilité"

Commentaire

Ethique et Infini (1981) regroupe une série d'entretiens radiodiffusés du philosophe Emmanuel Levinas avec l'historien des idées Philippe Nemo. Ces entretiens constituent une présentation succincte de sa philosophie inspirée par la lecture de la Bible et du Talmud. L'un des points fondamentaux de cette pensée est l'intérêt qu'elle porte à la manière dont autrui apparaît à la conscience, notamment à travers son visage. Celui-ci ne se réduit pas à ses caractéristiques physiques mais renvoie à une transcendance, à quelque chose d'extérieur à lui dont la signification est éthique. 

Le texte ci-dessous est extrait du huitième des dix entretiens que compte l'ouvrage. Dans l'entretien précédent, Levinas a déclaré que "le visage est ce qu'on ne peut tuer, ou du moins ce dont le sens consiste à dire : "Tu ne tueras point"". Cela signifie que le visage d'autrui n'apparaît pas à la conscience comme un objet, mais qu'il fait signe vers quelque chose d'autre, une présence énigmatique, celle de Dieu, qui me commande de ne pas tuer. En effet, le visage d'autrui m'apparaît dans sa vulnérabilité essentielle, dans un dénuement absolu, sans défense. Ainsi la relation à autrui est éthique : il y a dans le visage quelque chose qui me parle et qui m'ordonne de ne pas tuer. 

lundi 27 février 2017

"Autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même : j’ai honte de moi tel que j’apparais à autrui"

Commentaire

L'Être et le néant (1943) est, comme l'indique son sous-titre, un Essai d'ontologie phénoménologique. S'inscrivant dans la lignée de la phénoménologie husserlienne, Sartre part de l'idée que toute conscience est toujours conscience de quelque chose. Mais il remarque aussi que cette conscience est, en même temps, conscience de ce qu'elle n'est pas, conscience de son néant. L'homme se trouve donc placé face à lui-même et son mode d'être est radicalement différent de celui des choses qui l'entourent : alors que leur essence résume ce qu'elles sont, chez l'homme, l'existence précède l'essence. Autrement dit, l'homme doit composer avec une liberté fondamentale qui ne lui dicte rien. Exister, c'est avoir à être, c'est devoir se construire librement et indépendamment de toute nécessité.

Le texte ci-dessous est extrait de la troisième partie des quatre parties que compte l'ouvrage et qui est intitulée "Le pour autrui". Le chemin de pensée est le suivant : tout d'abord, Sartre part de la conscience qu'il relie au problème du néant (toute conscience est conscience de quelque chose et conscience de n'être pas cette chose). Sartre poursuit son analyse et en arrive au pour soi qui est la manière d'être de l'existant humain : manque d'être, il est incapable de coïncider avec lui-même, c'est là le fondement ontologique de la conscience. Enfin, il aboutit au pour autrui : c'est autrui qui permet à la conscience de revenir à soi. L'exemple de la honte sert justement à montrer qu'autrui est le seul moyen pour la conscience de devenir conscience de soi.

lundi 6 février 2017

"L'autre est aussi une conscience de soi"

Commentaire

La Phénoménologie de l'Esprit (1807) est une oeuvre de Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) qui cherche à retracer les processus à l'oeuvre dans la conscience. L'évolution de la constitution de cette conscience est dialectique au sens hégélien du terme, c'est-à-dire qu'elle suit un processus qui se confond avec l'essence même de la conscience.

Le texte ci-dessous est extrait de la quatrième partie consacrée à la vérité de la certitude de soi-même. Hegel dans les parties I à III s'est concentré sur la conscience simple. Dans la partie IV, il aborde la manière dont cette conscience devient conscience de soi, c'est-à-dire connaissance de soi-même. Cette conscience de soi ne peut intervenir qu'à travers la reconnaissance d'une autre conscience. Autrement dit, ce n'est que dans et par la relation avec une autre conscience qu'une conscience de soi est possible. L'enjeu du texte est donc de rendre compte d'un point de vue logique de ce qu'il se passe dans la conscience lorsque celle-ci en rencontre une autre.