On entend souvent dire que la liberté est la possibilité de faire ce que l'on veut. Dans ces conditions, il suffirait par exemple de dire que l'on peut lever le bras et de lever le bras effectivement, pour avoir démontré la liberté. La démonstration correspondrait alors à une démarche où l'on apporte la preuve que l'on peut faire quelque chose en la faisant effectivement, c'est-à-dire en démontrant que l'on peut être la cause initiale d'un mouvement. Mais a-t-on pour autant démontré que nous pouvions toujours faire ce que l'on voulait ? N'avons-nous pas plutôt démontré l'inverse, à savoir que nous ne pouvions ne pas lever le bras ? Peut-on alors démontrer la liberté ?
Répondre à cette question permettrait de déterminer si la liberté existe, si elle est réelle et pas seulement une impression liée au fait que nous avons le contrôle de nos mouvements. D'ailleurs, en première approche, la liberté semble à la fois plus large et plus évidente encore : nous choisissons ce que nous voulons être, le métier que nous voulons exercer, les activités que nous souhaitons pratiquer, les endroits où nous voulons voyager, etc. Mais, en même temps, il existe aussi des contraintes auxquelles nous ne pouvons pas échapper comme par exemple travailler, supporter sa belle-mère ou payer ses impôts. En ce sens, la liberté consisterait moins à faire ce que l'on veut que de ne pas être obligé de faire ce que l'on ne veut pas. La démonstration, quant à elle, renvoie à une série de propositions rigoureuses permettant d'établir avec certitude un résultat. Or, toute la difficulté est là car le verbe "pouvoir" nécessite ici de s'interroger sur la capacité de la raison humaine à prouver par une série de déductions rigoureuses que la liberté existe. L'enjeu est majeur parce que s'il n'est pas possible de démontrer la liberté, alors c'est que l'inverse, à savoir que la liberté n'existe pas, peut être suspecté. Est-il possible d'établir que l'existence de la liberté est une certitude ?
Après avoir déterminé quels sont les différentes expériences qui peuvent indiquer que la liberté existe, nous chercherons à savoir s'il n'est pas plus facile de démontrer que la liberté n'existe pas, et ce avant d'envisager les modalités d'établissement d'une véritable preuve de la liberté.
Après avoir déterminé quels sont les différentes expériences qui peuvent indiquer que la liberté existe, nous chercherons à savoir s'il n'est pas plus facile de démontrer que la liberté n'existe pas, et ce avant d'envisager les modalités d'établissement d'une véritable preuve de la liberté.
I/ Les expériences de la liberté
A/ L'absolue liberté
Dans notre vie de tous les jours, nous sommes confrontés à des choix extrêmement divers : quelles études choisir, que mettre comme vêtements, quelle musique écouter, etc. Tous ces choix semblent indiquer que nous sommes libres. Bien sûr, ils posent la question de l'influence exercée par notre environnement social et familial ou encore par la publicité. Peut-être qu'alors, pour obtenir une véritable expérience de la liberté, il faudrait se tourner vers une sorte de choix plus décisif, un dilemme à résoudre par exemple. Un de ces dilemmes est donné par Sartre dans L’existentialisme est un humanisme, où il cite le cas d’un élève qui vient le trouver pendant la guerre 39-45 parce qu’il hésite entre deux options : soit rejoindre la résistance pour venger la mort de son frère, soit rester auprès de sa mère pour l’aider dans ses tâches quotidiennes. Comme il ne sait pas quoi choisir, il demande conseil à son professeur : vaut-il mieux choisir l’honneur familial et la patrie, ou bien l’amour et le devoir envers sa mère ? Ici, Sartre explique que ce jeune homme fait l'expérience de son absolue liberté, car malgré les apparences, c'est à lui qu'il appartient en dernier ressort de choisir. Pour Sartre, chacun porte la responsabilité du sens qu'il donne à sa vie. Et en demandant conseil à tel ou tel professeur, il choisit déjà en quelque sorte la réponse à apporter à sa question. Sartre résume cette idée ainsi : "nous sommes condamnés à être libre". Cela signifie que quoi que nous fassions pour nous dégager de la responsabilité de notre choix, c'est toujours nous qui avons à assumer les choix que nous prenons : la liberté est une peine à laquelle on ne peut pas échapper.
B/ La liberté d'indifférence
Si l'obligation de choisir révèle une forme absolue de la liberté, la réflexion de Sartre est porteuse d'une ambiguïté : si nous sommes condamnés à la liberté, c'est que nous n'avons pas le choix, et si nous n'avons pas le choix, alors peut-être que la liberté n'en est pas vraiment une. En outre, il peut exister des citations où l'on ne soit attiré par aucun choix plus qu'un autre, tel l'âne de Buridan qui se laissa mourir de faim et de soif entre deux seaux l'un d'avoine et l'autre d'eau parce qu'il avait également faim et soif. Cette indifférence radicale où nous ne sommes inclinés par aucun de nos désirs ne pourrait-elle pas être la trace minimale de la liberté ? C'est en tout cas ce qu'affirme Descartes dans les Méditations métaphysiques, IV quand il dit que l'indifférence dans laquelle nous nous trouvons constitue "le plus bas degré de la liberté". Cette indifférence constitue une manifestation de notre libre-arbitre, c'est-à-dire de cette faculté libre de choisir, indépendamment de causes extérieures. Dans sa Lettre au P. Mesland datée du 9 février 1645, Descartes va même jusqu'à distinguer une indifférence négative et une indifférence positive : l'indifférence négative est l'indifférence ignorante, celle où l'on se trouve quand on ne sait pas quoi choisir ; l'indifférence positive est la capacité que nous avons de nous décider de manière arbitraire. C'est cette dernière forme d'indifférence qui permettrait de prouver la radicale liberté humaine, car même si comme le souligne Descartes l'indifférence "fait plutôt apparaître un défaut dans la connaissance, qu'une perfection dans la volonté" (Méditations métaphysiques, IV), elle est aussi ce qui permet de faire le mal quoiqu'on sache que c'est un mal, simplement pour affirmer sa liberté.
C/ L'acte gratuit
La preuve ultime de notre radicale liberté consisterait peut-être à réaliser un acte totalement gratuit, un acte qui soit commis en l'absence de toute contrainte, que nous n'aurions aucun intérêt à commettre, voire qui pourrait même être contraire à notre intérêt, simplement pour éprouver la liberté comme une réalité, en faire l'expérience directe. Or, comme le souligne Gide par l'intermédiaire de son héros Lafcadio dans Les caves du Vatican : "tel se croit capable d'agir, qui, devant que d'agir, recule" et "il y a entre l'imagination et le fait", ce qui signifie qu'il est plus facile d'imaginer sa pleine liberté en s'imaginant pouvoir faire quelque chose que de faire cette chose. Cependant, Lafcadio n'est pas le genre de héros à se laisser impressionner par son imagination au point de ne plus agir. Pour se prouver qu'il est libre, il va mettre au point une expérience peu ordinaire : alors qu'il est assis dans le compartiment d'un train, un homme entre. Il se dit alors qu'il pourrait se prouver sa radicale liberté s'il jetait cet homme du train car ce serait un acte gratuit ultime, un meurtre sans aucun mobile, complètement désintéressé. Néanmoins pour éviter d'être à l'origine de la décision de tuer cet homme, ce qui pourrait encore laisser suspecter quelque mobile inconscient, il met en place une condition : pouvoir compter lentement jusqu'à douze sans voir de feu dans la campagne. Malheureusement pour l'homme, il finit par voir un feu et se décide donc à le précipiter hors du train. Ce meurtre semble bien être une expérience radicale de la liberté, mais est-il une démonstration de son existence ?
[Transition 1]
Les expériences que nous faisons de la liberté semblent nous montrer que celle-ci est particulièrement présente dans les dilemmes moraux car tout semble dépendre de notre propre décision, dont nous sommes in fine responsables. L'indifférence dans son sens positif révèle que nous pouvons également choisir arbitrairement, par exemple en choisissant le mal plutôt que le bien. Enfin, l'acte gratuit semble prouver la liberté en ce qu'il est complètement désintéressé. Mais ces expériences de la liberté ne constituent pas en elles-mêmes des démonstrations de la liberté car, à chaque fois, il s'agit bien d'agir pour se prouver qu'on est libre. Dans ce cas, est-ce qu'il ne serait pas plus facile de démontrer que la liberté n'existe pas ?
II/ La liberté et la nécessité
A/ La liberté comme illusion
Si la liberté est difficile à démontrer, c'est peut-être parce qu'elle n'est qu'une illusion. Lorsque l'on observe la nature, on constate qu'elle est régie par des lois universelles. Comment l'homme, qui fait partie de cette nature, pourrait-il y échapper ? Dans sa Lettre à Schuller, Spinoza souligne que les hommes se trouvent souvent aux prises de passions contradictoires (l'honneur filial, le sentiment patriotique et l'amour pour sa mère de l'élève de Sartre peuvent être analysées comme des passions). Or ces passions amènent bien souvent les hommes à faire le contraire de ce qu'il faudrait : "ils voient le meilleur et pourtant font le pire". C'est qu'à la manière d'une pierre qui roule et qui serait dotée de conscience, ils croient qu'ils sont libres alors qu'en fait, ils agissent guidés par leurs passions. Si la liberté existe, entendue comme absence de contraintes, alors elle est une qualité de Dieu (qui s'identifie à la nature chez Spinoza), car seul Dieu agit sans être déterminé par une cause extérieure à lui. En revanche, "les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent". Ils pensent qu'ils sont libres parce qu'ils sont conscients de leurs efforts, mais en réalité, ils sont poussés par la force de leurs passions, le choix d'une chose plutôt que d'une autre s'expliquant par un différentiel de force. Pour Spinoza, la liberté humaine ne se démontre pas pour la simple et bonne raison que l'homme, faisant partie de la nature, n'échappe pas à la nécessité qui la gouverne. Seul Dieu qui est sa propre cause peut être dit libre.
B/ Le déterminisme ou l'absence de liberté
L'appréhension scientifique du monde se fait à partir de l'observation de phénomènes pour les placer sous des lois. Si l'on met de côté la part de hasard que comportent la génétique et la physique quantique, l'univers semble soumis à un strict déterminisme, à tel point que l'on pourrait imaginer une intelligence capable de connaître "pour un instant donné", "toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent", qui pourrait tout entrevoir avec certitude : "rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux". C'est en tout l'hypothèse faite par Laplace dans son Essai philosophique sur les probabilités. L'existence d'une telle intelligence capable de prévoir l'avenir à partir d'une connaissance intégrale du présent n'est envisageable que dans la mesure où tout dans l'univers obéit à une mécanique causale. Dans une telle hypothèse, la liberté ne serait qu'un terme qui dissimulerait l'ampleur de notre ignorance. Mais évidemment, pour être démontré, ce déterminisme universel devrait parvenir à une connaissance absolue, telle que celle possédée par Dieu. Par conséquent, même s'il nous faut reconnaître une dimension déterministe de la science, sans quoi nous devrions renoncer au principe de causalité qui lui est pourtant essentiel, nous ne pouvons pas non plus considérer le déterminisme universel comme démontré.
C/ La contingence et la certitude
Peut-on concilier déterminisme causal tout en maintenant l'hypothèse du libre-arbitre ? Il semble en effet que les deux termes soient exclusifs l'un de l'autre : soit l'ensemble des phénomènes est gouverné par un lien de causalité, soit il existe un libre-arbitre et donc un moyen d'échapper au déterminisme. Mais un penseur comme Leibniz a rappelé le rôle de la contingence, le fait que les hommes conservent en eux-mêmes la capacité d'agir autrement que ce qu'ils ont fait. En effet, Leibniz conçoit les hommes comme des "notions individuelles" qui comprennent en elles tout ce qui va leur arriver mais également comme dotés d'un libre-arbitre (cf. art. 13 du Discours de métaphysique). Il faut, selon lui, distinguer le certain du nécessaire, le certain comprenant l'idée de contingence dont le nécessaire est exempt. Un homme peut agir librement, selon un principe de raison, sans pour autant être déterminer à le faire, selon un principe de nécessité. Ainsi Leibniz explique que si César a franchi le Rubicon, ce n'est pas pour autant qu'il devait nécessairement le faire. Il ne faut pas parler de cet événement à partir de ce que nous connaissons de l'histoire aujourd'hui car ce serait parler alors de l'événement de la même façon que Dieu le connaît (puisqu'il est le seul à connaître tout ce que contiennent les notions individuelles). Il faut considérer que César aurait pu agir autrement, il n'y a aucun fatalisme. Simplement, il était certain qu'il franchisse le Rubicon dans la mesure où Dieu a prévu que "l'homme fera toujours (quoique librement) ce qui paraîtra le meilleur". Comme cette décision était contingente, elle n'était pas une nécessité, mais simplement une certitude car ce qui paraît le meilleur à une créature est toujours relatif à sa propre connaissance des choses, connaissance qui est, par essence, limitée.
Peut-on concilier déterminisme causal tout en maintenant l'hypothèse du libre-arbitre ? Il semble en effet que les deux termes soient exclusifs l'un de l'autre : soit l'ensemble des phénomènes est gouverné par un lien de causalité, soit il existe un libre-arbitre et donc un moyen d'échapper au déterminisme. Mais un penseur comme Leibniz a rappelé le rôle de la contingence, le fait que les hommes conservent en eux-mêmes la capacité d'agir autrement que ce qu'ils ont fait. En effet, Leibniz conçoit les hommes comme des "notions individuelles" qui comprennent en elles tout ce qui va leur arriver mais également comme dotés d'un libre-arbitre (cf. art. 13 du Discours de métaphysique). Il faut, selon lui, distinguer le certain du nécessaire, le certain comprenant l'idée de contingence dont le nécessaire est exempt. Un homme peut agir librement, selon un principe de raison, sans pour autant être déterminer à le faire, selon un principe de nécessité. Ainsi Leibniz explique que si César a franchi le Rubicon, ce n'est pas pour autant qu'il devait nécessairement le faire. Il ne faut pas parler de cet événement à partir de ce que nous connaissons de l'histoire aujourd'hui car ce serait parler alors de l'événement de la même façon que Dieu le connaît (puisqu'il est le seul à connaître tout ce que contiennent les notions individuelles). Il faut considérer que César aurait pu agir autrement, il n'y a aucun fatalisme. Simplement, il était certain qu'il franchisse le Rubicon dans la mesure où Dieu a prévu que "l'homme fera toujours (quoique librement) ce qui paraîtra le meilleur". Comme cette décision était contingente, elle n'était pas une nécessité, mais simplement une certitude car ce qui paraît le meilleur à une créature est toujours relatif à sa propre connaissance des choses, connaissance qui est, par essence, limitée.
[Transition 2]
Le déterminisme causal qui semble se retrouver dans les phénomènes de la nature pose la question de la liberté humaine avec une particulière acuité. Mais tout comme la liberté était surtout une expérience humaine, le déterminisme apparaît plutôt comme une hypothèse scientifique. Même si l'on peut tenter de concilier le déterminisme avec le libre-arbitre humain, déterminisme et liberté semblent deux positions indémontrables dans la mesure où nos connaissances sont limitées. Faut-il pour autant abandonner l'idée de pouvoir démontrer la liberté ?
III/ Vers une redéfinition de la liberté en tant qu'épreuve
A/ L'expérience ne se démontre pas
Prise au sens strict, l'idée de parvenir à une démonstration de l'existence de la liberté humaine semble, pour la raison humaine, relever de la gageure. Il n'est pas possible de déduire cette liberté de la notion d'homme lui-même puisqu'il peut très bien être déterminé par ses passions. Peut être qu'il faut alors redéfinir ce que nous entendons par démonstration. Pour Hume, il faut restreindre ce terme aux mathématiques seules. Dans ce domaine de la connaissance, la déduction est possible (on tire du cercle ses caractéristiques intrinsèques au moyen de l'analyse géométrique), mais comment faire dans les autres domaines, notamment ceux portant sur des questions de fait ou d'existence ? Dans L'Enquête sur l'entendement humain (XII), Hume montre que partout où entre de l'expérience, "tout ce qui est peut ne pas être", autrement dit le principe de non contradiction ne trouve pas à s'appliquer. Dans les mathématiques, soit une proposition est vraie, soit elle est fausse. Hume cite en exemple : "la racine cubique de 64 est égale à la moitié de 10". En revanche, lorsqu'on dit qu'une chose existe, il est tout à fait possible d'affirmer l'inverse : "la proposition, qui affirme qu'un être n'existe pas, même si elle est fausse, ne se conçoit et ne s'entend pas moins que celle qui affirme qu'il existe". Ici, le principe de non contradiction ne s'applique pas. Exemple : si on affirme que "Jules César a existé", il est tout à fait possible de soutenir la proposition inverse à savoir que "Jules César n'a pas existé" sans que la proposition puisse être dite fausse. Pour l'invalider, il faudrait une expérience. A défaut (César étant mort), nous ne pouvons juger de son existence que par la connaissance de sa cause ou de ses effets (en faisant de l'archéologie, en recoupant les témoignages, etc.).
B/ La liberté comme postulat pratique
Certes, nous avons l'impression que nous faisons l'expérience de la liberté, mais nous ne pouvons jamais affirmer avec certitude que nous avons agit librement. Nous pouvons l'affirmer, mais quelqu'un d'autre pourra toujours trouver une raison qui motive notre action et qui, par conséquent, invalide cette liberté en introduisant un déterminisme. Cependant, si la liberté en tant qu'expérience ne peut pas être démontrée et donc que l'existence de la liberté ne peut pas être établie avec une certitude absolue telle que celle que nous avons dans les mathématiques, alors n'y a-t-il pas un risque de devoir abandonner aussi l'idée que les hommes sont responsables de leurs actes et que par conséquent, ils sont capables d'agir moralement ? C'est à partir de cette inquiétude que Kant est amené à postuler l'existence de la liberté dans la sphère pratique de l'existence. Auparavant, dans la Critique de la raison pure, il remarque à juste titre que la question de la liberté relève d'une antinomie de la raison : il est possible d'affirmer l'existence de la liberté tout comme de la nier complètement (troisième antinomie de la raison pure). Pour résoudre cette antinomie, Kant explique que la liberté est nécessaire afin de penser la moralité : sans liberté, une volonté ne pourrait pas se déterminer indépendamment de causes extérieures sensibles et donc elle ne pourrait pas agir dans l'idée de faire le bien. Par conséquent, s'il n'est pas possible de démontrer par le moyen de la raison pure (c'est-à-dire en réalisant une analyse déductive de la liberté) que la liberté existe, il est possible au moyen du discours relevant de la morale, d'établir sa nécessité en vue d'un usage pratique de la raison, ce qui revient à supposé l'homme capable de s'autodéterminer par rapport à la causalité extérieure.
C/ La liberté comme qualité
Si la liberté est indémontrable, c'est aussi peut-être parce qu'elle s'éprouve davantage qu'elle ne se prouve. Finalement, ceux qui opposent déterminisme et liberté, négation de la liberté et démonstration de son existence, tombent dans une même erreur qui consiste à confondre la qualité et la quantité, ou comme le dit Bergson, le "temps qui s'écoule" et le "temps écoulé". Peut-être que vouloir démontrer la liberté, c'est comme le supposait Hume, vouloir démontrer quelque chose qui n'est pas de l'ordre de la démonstration, mais de l'expérience vécue. Dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience, Bergson explique que le déterminisme et ceux qui cherchent à démontrer la liberté, commettent l'erreur de spacialiser la liberté, c'est-à-dire de la transformer en étendue pour pouvoir la mesurer, la quantifier (cf. la liberté aurait un certain nombre de degrés nous dit Descartes). Or "l'acte libre se produit dans le temps qui s'écoule, et non pas dans un temps écoulé". Les difficultés auxquelles s'affronte la raison humaine lorsqu'elle cherche à penser la liberté viennent du fait qu'elle rabat cette expérience à de l'espace, ce qui revient à interpréter ce qui a été vécu comme une simultanéité (la durée d'un choix) sur le mode impropre de la succession. A travers ce prisme de la succession, le choix s'explique au moyen d'une série de causes qui viennent influencer la décision. En réalité, cette opération relève de l'illusion rétrospective qui consiste à juger le présent en référence au passé, à voir dans le passé un cheminement qui ne pouvait que conduire là où l'on se trouve. Mais la liberté se vit, elle est simultanéité, elle fait ses choix sans savoir ce qu'il va advenir, dans une situation d'incertitude. Bergson conclut que "la liberté est donc un fait, et parmi les faits que l'on constate, il n'en est pas de plus clair". Autrement dit, il est inutile de vouloir démontrer la liberté car elle ne se prouve pas mais s'éprouve.
Conclusion
La liberté peut faire l'occasion de multiples expériences que ce soit à travers un choix cornélien à résoudre, un choix arbitraire ou un acte gratuit. Mais il semble difficile de passer de ces diverses expériences à une démonstration dans la mesure où elles sont propres à un individu et que le soupçon d'une forme de déterminisme ne peut être dissipé. A contrario, le déterminisme non plus ne peut pas faire l'objet d'une démonstration : certes, les phénomènes naturels sont gouvernés par des lois et par un principe de causalité, mais il ne semble pas possible à partir de là d'affirmer l'existence d'un déterminisme universel ou de réduire à néant la contingence des actes humains. Renvoyant dos à dos liberté et déterminisme, il est apparu impossible de livrer une démonstration au sens strict de la notion de liberté, celle-ci appartenant au domaine des mathématiques. En revanche, un discours sur la liberté est tout à fait possible : celui-ci montre notamment qu'elle peut être considérée comme un postulat moral, car sans elle, il n'y aurait plus aucune possibilité d'établir une quelconque responsabilité et aussi qu'elle est d'abord un fait, une expérience vécue, et qu'elle peut donc être établie sans qu'il soit nécessaire de la démontrer.
La liberté peut faire l'occasion de multiples expériences que ce soit à travers un choix cornélien à résoudre, un choix arbitraire ou un acte gratuit. Mais il semble difficile de passer de ces diverses expériences à une démonstration dans la mesure où elles sont propres à un individu et que le soupçon d'une forme de déterminisme ne peut être dissipé. A contrario, le déterminisme non plus ne peut pas faire l'objet d'une démonstration : certes, les phénomènes naturels sont gouvernés par des lois et par un principe de causalité, mais il ne semble pas possible à partir de là d'affirmer l'existence d'un déterminisme universel ou de réduire à néant la contingence des actes humains. Renvoyant dos à dos liberté et déterminisme, il est apparu impossible de livrer une démonstration au sens strict de la notion de liberté, celle-ci appartenant au domaine des mathématiques. En revanche, un discours sur la liberté est tout à fait possible : celui-ci montre notamment qu'elle peut être considérée comme un postulat moral, car sans elle, il n'y aurait plus aucune possibilité d'établir une quelconque responsabilité et aussi qu'elle est d'abord un fait, une expérience vécue, et qu'elle peut donc être établie sans qu'il soit nécessaire de la démontrer.
Une dissertation très fine qui apporte une très bonne réponse à la question ! comme il est l'habitude avec ce site...
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